Personnages sortis de « Musée haut, musée bas », Sulki et Sulku sont de vivantes oeuvres d’art. Quand le rideau s’écarte, elles sont encore exposées sur leur piédestal qu’elles ne tarderont pas à quitter, tout en papotant.
- SULKI ET SULKU ( Giovanni Cittadini Cesi)
Le public sait déjà qu’il va follement rire rien qu’à les voir dans leurs costumes farfelus d’un genre de bizarre patchwork aux couleurs acidulées.
Sulki et Sulku sont de sacrés bavards qui aiment parler de tout et de rien, et si l’un dit « Je prends la vie comme elle vient » l’autre osera enchaîner sur des considérations politiques du genre : « Elire un Président de la République est une idée, le choisir est une opinion ». En fait, c’est l’occasion pour l’auteur de balancer en vrac toutes les idées saugrenues - ou pas - qui lui passe par la tête, de jongler entre non-sens et logique pour en faire des collages poétiques et loufoques, ou même parfois provocants quand l’un dit « La Sainte Vierge s’est fait sauter ». De plus, l’un des deux, Sulki ou Sulku, se vante d’avoir rencontré le Pape au supermarché : « il était là pour acheter des croquettes de chats.... Comme chacun sait le Vatican grouille de chats ! ». En s’imaginant la situation, chacun s’écroule de rire.
Parfois, dans ces dialogues impertinents de tableaux qui se mêlent à la vie, surgissent des idées intéressantes qui mériteraient d’être approfondies.
Par exemple quand les deux statues vivantes parlent de l’art : « L’art se fait doubler par le quotidien. Le quotidien se met à avoir du talent, du génie. Les faits-divers seraient des oeuvres d’art... Le 11 septembre 2001 serait un ready-made planétaire ! »
Dans une escalade infernale, ça délire de plus en plus.
On verrait Van Gogh, une oreille coupée, chercher un tournesol, le penseur de Monet, la liberté pendue par les pieds, le football sans ballon, ou encore la Joconde assise sur un banc qui regarde dans une vitrine un saucisson ou des spaghettis. Mais n’en disons pas trop, laissons chacun découvrir l’impertinence de l’auteur qui aime bousculer l’ordre établi des idées.
- Sulki et Sulku sont de sacrés bavards (Giovanni Cittadini Cesi)
Avec un sérieux imperturbable, les deux excellents comédiens – Romain Cottard et Damien Zanoly - se plaisent à débiter ces incroyables fantaisies subversives.
Leur flegme est parfaitement orchestré et ils savent garder la juste distance dans ces situations absurdes en énonçant ces paroles vraiment irrésistibles avec un jeu convaincu et convaincant.
Jean-Michel Ribes est l’auteur d’une quinzaine de pièces - dont « Théâtre sans animaux » - dans lesquelles il ne prend rien au sérieux, mais est toujours en décalage. Donc rien de surprenant que « Sulki et Sulku ont des conversations intelligentes » soit un spectacle étonnant et drôle. Et même étonnamment drôle !
Caroline Boudet-Lefort