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ANTHEA - Zazie dans le métro : une adaptation remarquable de Zabou Breitman

D’abord dans un noir total, quelques triangles ou carrés s’éclairent sur scène comme les hublots d’un bateau, montrant des personnages que les spectateurs retrouveront par la suite.
Le rideau se lève sur un plan de ville, sans doute un quartier de Paris où Zazie, une gamine délurée, est confiée pour 3 jours, par sa mère, à son oncle Gabriel.
Zazie compte bien découvrir le métro, mais, malgré son entêtement et son obsession, ce sera impossible : le métro est en grève. Cela n’empêche pas une multitude d’aventures.

Zabou Breitman a, paraît-il, toujours aimé le célèbre roman de Raymond Queneau et a donc décidé d’en faire un spectacle théâtral qui regorge d’incroyables et insolites trouvailles de mise en scène.

Et c’est un tour de force, mais, avec sa propre lecture, retrouve-t-on la fidélité au roman ? Evidemment chacun a la sienne, dans cet enchevêtrement de jeux de mots et de situations rocambolesques que pourtant elle suit très scrupuleusement. Quoiqu’elles soient plus farfelues les unes que les autres avec insolence et subversion au rendez-vous.

C’est un tour de force que d’adapter un texte aussi étonnant, avec une multitude d’évocations poétiques et fantaisistes. Le roman était contemporain de la Nouvelle Vague au cinéma, proposant une vision renouvelée de la jeunesse française. Le film, réalisé en 1960 par Louis Malle était, à sa façon, fidèle au roman de Queneau.
Pour bien mettre en valeur les péripéties loufoques de Zazie, même pas encore une ado, Zabou Breitman, avec le musicien Reinhardt Wagner, ont choisi une tonalité de comédie musicale où chacun peut s’exprimer en chantant. Mais la réalité est cependant bien présente. Par exemple, celle des années 60 où le confort domestique est encore rare et la toilette se fait dans une cuvette. Une kyrielle de détails est à l’avenant

Les personnages inénarrables sont bien représentés

Chaque comédien joue son rôle avec brio, et on est tenté de particulièrement applaudir la jeune Alexandra Datman en parfaite Zazie, mutine et dynamique. Elle a la répartie facile et affronte avec persiflage tous les interlocuteurs qu’elle rencontre, s’exprimant dans un langage cru qui sidère chacun et d’abord son oncle Gabriel (excellent Franck Vincent).
Créée pour le spectacle la musique de Reinardt Wagner est remarquable, bien adaptée à l’époque et au style de la mise en scène de Zabou Breitman.
Et, à la fin, quand retrouvant sa mère qui l’interroge sur son séjour parisien, elle lui répond seulement « j’ai vieilli ». 

Les aventures sont allées en se multipliant. Si on retrouve les enchaînements du livre, en retrouve-t-on vraiment toute la subversion coquine qu’insinuait Raymond Queneau ? Ne serait-ce que par l’orthographe avec laquelle il jouait allégrement ce qui donne des phrases telles « la goçéfélamal ».
Queneau aime les images entre le langage cru et les mots recherchés, bien souvent avec des distorsions. Mais, bien évidemment, sur scène ils ne seraient pas aussi efficaces qu’à la lecture, n’étant pas transmissibles.
Le spectacle de Zabou Breitman n’en est pas moins réjouissant et il a été, à Anthéa, très chaleureusement applaudi !

Caroline Boudet-Lefort

Photo de Une ©ANTHEA

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