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Anthéa - "Le ciel de Nantes" de Christophe Honoré

Cela commence en douceur par la musique de la chanson de Barbara « Sous le ciel de Nantes », avant d’enclencher sur une histoire de famille, mais pas n’importe quelle famille puisque Christophe Honoré met en scène la sienne, sans avoir réussi à en faire un film comme il l’aurait voulu (dans un film ils auraient été fixés pour l’éternité, alors qu’au théâtre, chaque représentation peut renouveler les rapports familiaux).

Évidemment, comme dans n’importe quelle famille, ce ne sont que disputes, querelles, chamailleries, rivalités, demandes d’amour…

Dans une salle de cinéma désaffectée, les personnages sont éparpillés sur les sièges alignés des spectateurs. Il y a une énorme grand’mère qui domine le tout et, comédien dans la « vraie vie », c’est le propre frère de Christophe Honoré qui interprète leur mère. Ce ne doit pas être n’importe quoi que de jouer sa mère sur scène, en affrontant les autres membres de sa famille dans leurs prises de bec ou leurs empoignades.
Sa grand’mère, sa mère, oncles et tantes, frères et sœurs, … - tout le monde se chamaille, même si, bien souvent, tendresse et affection transparaissent ou s’énoncent.

Ainsi, dans cette pièce ’pagailleuse’, Christophe Honoré maintient en vie les membres de sa famille, ou les fait revivre.

Ils se croisent, s’interpellent avec plus ou moins d’affection et d’animosité. Il y a des contentieux parfois très anciens qui resurgissent, comme cette histoire d’argent prêté et non remboursé « Tu ne fais pas la différence entre prêter et voler !  »
Dans ce passé familial, trois générations sont là, sur fond d’Histoire sociale, de luttes ouvrières, d’immigration, de guerre d’Algérie, … L’intrigue entrelace six destins, avec 50 ans de non-dits et de comptes à régler. Beaucoup de souvenirs aussi avec des émotions contradictoires. L’alcool est là pour aider à tenir le coup !

C’est donc un portrait de famille pour parler de la sienne dont il exprime le besoin de la raconter en la mettant en scène, servie par une impeccable distribution.

C’est Youssouf Abi-Ayad qui interprète Christophe Honoré lui-même. Chiara Mastroianni est la jeune tante aimée pour sa douceur. Marlène Saldana, géniale en grand’ mère, … Il faudrait tous les citer, car tous sont parfaits, transposés en sublimes fantômes dans cette fiction théâtrale.
Qu’ils se cherchent des noises à coup de désaccords ou de brouilles qui peuvent aller jusqu’à des empoignades, on sent cependant que le lien familial est là, indénouable quoiqu’il arrive. Luttes ouvrières, guerre d’Algérie ou autres, l’intrigue tresse leurs destins sur les trois générations à travers leurs règlements de comptes au milieu de souvenirs parfois attendris.
Qu’importe les bisbilles et les empoignades, leurs désaccords finiront par s’apaiser !
Si Christophe Honoré a monté cette pièce c’est bien qu’il avait quelque chose à leur dire à sa manière, il ne s’en est pas gêné tout en les impliquant comme interprètes ! Sans doute la famille est-elle maintenant « solde de tout compte », sans que ce soit certain ! Mais nous, spectateurs, nous avons trouvé un grand plaisir à Anthéa le 27 mars, sans nous priver de rire, devant ces règlements de comptes !

Caroline Boudet-Lefort

Visuel de Un ©Anthéa

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