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Danse : Hop ! à Anthéa (Raphaëlle Delaunay et Jacques Gamblin)

Tout est blanc, le sol, les murs, le plafond. Dans cet espace, les deux silhouettes de la danseuse et de Jacques Gamblin se détachent d’autant plus devant tout ce blanc !

Elle dit être « professeure de corps  ». Ça tombe bien ! Lui voudrait être moins raide, gagner en souplesse et en agilité. Et aussi mieux maîtriser ses mouvements, mieux connaître son corps dans l’espace réel et à l’intérieur.
La proposition de départ de ce duo et de ce spectacle, est très intéressante et retient fortement l’attention du public.
La suite n’est malheureusement pas aussi aboutie qu’on aurait pu le souhaiter.
Dans l’espace du plateau, tous deux se croisent, s’affrontent ou s’appuient l’un sur l’autre. Leurs visages s’approchent tant et plus, comme pour une forme de légère séduction. En fait, elle le questionne sur sa vie et renseigne ainsi le public …
Jacques Gamblin reste longuement assis dans la pénombre, tandis que la danseuse esquisse quelques mouvements avant de venir sur le devant de la scène où elle prolonge ses gestes de danse classique, danse de salon, danse de contact. …

Leur dialogue ne manque pas d’humour : ils sont dans deux univers tellement différents !

Elle toute en souplesse et lui dans son corps raidi et coincé par un soit-disant travail de bureau durant des années.
Dans une langue rigide, sèche et directe, il pose des questions sans concessions. D’où vient sa violence ? Son exigence ? Il secoue les codes, les attentes et le reste … Il emporte de spectateur ailleurs et le perd plus d’une fois, en restant lui-même plutôt ahuri et éperdu d’admiration devant les mouvements de la danseuse hallucinée et inspirée.

Illusion et petites victoires sont les lots de ce travail dirigé par leur désir et leur amitié mené par un fil invisible.

Ils trimballent leurs fantômes tenaces, leurs désirs gâchés, les trajectoires ratées. Et ils ajoutent de l’humour par ci par là. Le public a l’audace de rire et apprécie leur amitié indéfectible.
Très différents dans leurs rapports à leurs corps, ils sont l’un et l’autre engagés dans une recherche aux variations multiples entre gestes et mots.
Il faut reconnaître que le comédien met beaucoup de sincérité et de bonne volonté dans la relation à son corps, dans son aptitude à bouger et à son désir de danser, de rechercher des mouvements s’attachant aux gestes agiles plutôt qu’aux mots. Il a une bonne maîtrise de son corps, et même exceptionnelle pour un comédien

Les répliques, bien calées, fusent juste à point, sans qu’il soit vraiment nécessaire de mettre des mots.

Des moments émouvants ponctuent leurs gestes, et cela peut suffire.
Le spectacle a été très apprécié même si, comme nous l’avons dit, il s’égare un peu sans tenir la proposition de la ligne de départ.

Il y a une forme de sincérité et de curiosité dans cette démarche et le désir de réconcilier le corps avec les gestes égarés du quotidien.
Malgré cette paresse, ou grâce à cette paresse, il y a une poésie une grâce, une puissance émotionnelle, tout en maintenant le public dans une zone d’inconfort.

Caroline Boudet-Lefort

Visuel de Une (détail) DR ANTHEA

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