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« Le Jeu de l’amour et du hasard », mise en scène de Catherine Hiegel

« Le Jeu de l’amour et du hasard » est la plus jouée des comédies de Marivaux, non seulement en France, mais dans le monde entier. Il faut dire qu’elle illustre parfaitement le « marivaudage ».

Avant leur mariage organisé par leurs pères, les jeunes promis inventent, chacun de leur côté, un même stratagème : échanger leurs vêtements avec ceux de leurs domestiques, pour ainsi se connaître sans être reconnus. Sachant la supercherie, M. Orgon et son fils décident de laisser faire ce « jeu de l’amour et du hasard » pour s’amuser de ce chassé-croisé où en définitive chacun tombe amoureux de celui qui lui avait été choisi. Les couples peuvent alors se réunir dans la joie !

Ce caustique et amère marivaudage que l’excellente comédienne Catherine Hiegel présente dans une virtuose mise en scène classique (sans rien de suranné). L’action se déroule dans un magnifique décor (signé Goury) de verdure et de balustrades d’un Hôtel particulier du 18e siècle afin de correspondre au théâtre de l’époque.

Présentant un Marivaux rajeuni et drôle, Catherine Hiegel met en relief avec subtilité les conflits de classes entre maître et valet (ou soubrette), sans appuyer, mais avec audace, insistant davantage sur le ridicule des conventions sociales.

Dans leur jeu, ils sont exceptionnels de vérité sans manque d’humour. Les barrières sociales sont aujourd’hui tombées, quoique... « Le mérite vaut bien la naissance » n’a jamais été autant d’actualité qu’aujourd’hui pour dénoncer les difficultés rencontrées par certains jeunes dès leur scolarité.
Laure Calamy et Vincent Dedienne forment un duo magique. Elle (déjà très appréciée au cinéma) prouve ses dons comiques en jouant à plaisir ses tentatives d’emprunter les « bonnes manières » avec une préciosité feinte et la façon de s’asseoir à l’aise dans une robe encombrante. Et lui, outre un abattage exceptionnel, ne cesse de rebondir avec sa fougue jubilatoire et la fierté de son nouveau costume de maître. Avec son allure altière, Clotilde Hesme emprunte le rôle de Lisette en conservant la majesté liée à son éducation. En fait il est difficile d’être autre que celui qu’on est, on ne peut composer longtemps.

Avant de se reprendre, Orgon tend un verre à ranger à celui qu’il considère comme son domestique, ce qu’il est en fait malgré son illusoire rôle de mondain. Ce jeu de dupes entraîne toutes sortes d’embrouilles amusantes.
Follement vivant et dynamique, l’ensemble est un régal, combinant humour et « luttes des classes » avec une dose d’ironie. En ajoutant Emmanuel Noblet, Alain Pralon, et Cyrille Thouvenin, la distribution est remarquable et la réussite totale pour un spectacle brillant, étourdissant !

La représentation à Anthéa a été enregistrée par France-Télévision (c’est un honneur, paraît-il, pour un théâtre de province), afin d’une prochaine retransmission.

Ses caméras étaient parsemées dans le public sans l’importuner cependant. Les comédiens ont donc joué deux fois dans la même journée, bougeant, sautant, virevoltant sans cesse ! Bravo, encore bravo !
Caroline Boudet-Lefort

Photo de Une : Avec ce Marivaux intelligent et drôle, Catherine Hiegel s’impose comme une des plus grandes lectrices du répertoire tandis que la comédienne excelle à tirer le meilleur de ses acteurs, et de Vincent Dedienne en particulier. (DR ANTHEA)

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