Auteur et metteur en scène de « J’habite ici », Jean-Michel Ribes reste fidèle à lui-même quand il assène, avec son insolence accoutumée, des certitudes échangées naïvement entre voisins sans que ceux-ci ne voient toute la « pollution » contenue dans leurs conversations.
Loin du conformisme militant, il utilise une certaine réalité à travers des propos qui peuvent circuler dans les villes ou les campagnes. Bien sûr, il n’hésite pas à pratiquer l’outrance pour mieux marteler ses idées, mais c’est aussi pour déclencher le rire. Plus c’est gros, plus c’est drôle ! Et le rire permet d’évacuer les miasmes et de renforcer les certitudes « bien pensantes » !
Facétieux, ses personnages sont truculents, souvent étonnants, tel ce fonctionnaire d’un ministère dont le boulot est très ... porno, dirions-nous, puisqu’il s’agit d’assouvir les désirs sexuels de ses supérieurs.
Jean-Michel Ribes utilise un foutu humour noir pour bousculer toutes les « idées reçues » qui circulent, toutes ces délirantes paroles racistes ou individualistes.
Sa troupe de comédiens s’empare allègrement de son humour, à l’aise dans la vulgarité requise.
Il ne s’agit d’aucun réalisme d’un tableau urbain puisqu’on chemine dans un délire total. Et la « mayonnaise » prend, si on accepte la caricature, accentuée à l’excès, de chacun des personnages. Ainsi la magie de la relation entre eux progresse pour devenir une évidence, mais il faut accepter que Jean-Michel Ribes chausse ses gros sabots. Dans un mélange délirant, il pose un regard acerbe sur l’absurdité d’une certaine société actuelle, une société en plein désarroi, avec des stéréotypes revendiqués et pas toujours dans la dentelle.
Des flics homos, des SDF intellos, des bourgeois machos, des fonctionnaires écolos, un anti-écolo qui s’acharne sur les oiseaux, etc. Une panoplie de personnages plus insolites les uns que les autres pour ravir le public qui ri gaiement. Disons une grande partie du public, car peut-être que certains spectateurs rient jaune.
A la fois réaliste et imaginaire, cette radiographie d’un immeuble de douze appartements (astucieusement scénographié par Emmanuelle Favre) dont les occupants peuvent donner une certaine idée de la société d’aujourd’hui. Les comédiens – ils sont 10, tous épatants - semblent s’en donner à coeur joie ! Déjà par leur audace d’interpréter de tels personnages insolites qu’ils savent mettre en valeur de façon savoureuse. Il faudrait tous les citer : chacun joue plusieurs rôles passant aisément de l’un à l’autre à l’aide de perruques et de costumes signés Juliette Chanaud.
Adepte de pièces où se croisent une multitude de gens, l’auteur amuse de la peinture d’une certaine folie qui aujourd’hui court les rues. Son regard potache se moque de cet univers représentant une certaine absurdité, comme dans ses « Brèves de comptoir », « Musée haut, musée bas » ou « Théâtre sans animaux ». Non, Jean-Michel Ribes n’a pas changé et il est toujours là pour rire et faire rire !
Caroline Boudet-Lefort