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Dernier soir pour voir LAZZI à Anthéa !

Les « lazzi » sont, parait-il, des petits gags qui maintiennent en éveil, des genres de coq-à- l’âne de la commedia delle’ arte.
Lorsque les spectateurs arrivent, deux hommes, deux personnages sont déjà sur scène, assis dos-à-dos sur des cartons, comme deux loques lamentables, sales et déglinguées, avec un regard de lendemain de cuite à dire des choses sans queue ni tête.

Leurs femmes les ont quittés – l’un est veuf, l’autre divorcé - , leur vidéo club ferme, le dernier vidéo-club, « le tout dernier au monde », disent-ils - et il ne reste que leur amitié qui s’approche de l’amour par leur amour commun du cinéma. Ils s’interrogent d’ailleurs « sont-ils un couple ? »
Autour d’eux un fouillis de vieux sièges de cinéma et de cartons de vidéo cassettes d’un aspect poussiéreux qu’il faut jeter à la déchetterie. Tout jeter... Leur passé, leur vie...
Ces deux copains passionnés de cinéma réfèrent chacun de leurs actes, et même de leurs pensées, à un film qu’ils citent. De Fellini à Scorcese en passant par Orson Welles, de « Spartacus » au « Parrain »... Ils se lancent comme une insulte « Espèce de Godard ! », en enchaînant sur Rivette, Truffaut et toute la Nouvelle Vague. Ils ont des films favoris, avant de s’en séparer l’un embrasse la cassette de « Stranger than Paradise » de Jim Jarmush. « La nuit des morts-vivants », tous les films parlent de nous ! » Ce sont des loques qui remuent des souvenirs accumulés dans des sacs en plastique. Tout un symbole !
En notant chaque titre sur un bout de papier, ils enterrent leurs films de référence : « Sueurs froides », « La règle du jeu » et d’autres... Le geste est symbolique, mais tellement essentiel pour eux dont le cinéma était toute la vie. Et le cinéma ne les a pas sauvés. Ils partent s’installer dans un coin du Morvan où ils croient avoir trouvé la maison idéale et pas chère, mais « c’est loin de tout », et « un jour, c’est l’hiver »... De plus, elle est construite sur un rocher !
Justement on voit un énorme rocher descendre lentement, lentement et on suppose que la pièce (un peu trop longue) se terminera quand il s’écroulera. « La nature dévastant la nature ! Et nous repenserons alors à notre vidéo-club ! »

Fabrice Melquiot a écrit et mis en scène « Lazzi » pour Philippe Torreton et Vincent Garanger en se basant sur leur relation d’amitié, une grande amitié.

C’est elle qui soude la pièce, ainsi que leur cinéma avec ses fantômes. Pour tout cinéphile c’est un régal ! Surtout quand on refuse de croire à la mort (annoncée) du cinéma.

Les deux interprètes se déshabillent peu à peu au cours de la pièce pour terminer en slip, se dépouillant ainsi de tout ce qui a pu faire la vie de ses deux personnages devenus des « has been » aux corps vieillissants. De même que leurs souvenirs : l’évocation rapide de leurs enfants - qu’ils voient à la Saint Glinglin – en est la preuve.
Très complices, Philippe Torreton et Vincent Garanger sont parfaits en paumés plein de mélancolie. Ils ont été très applaudis par un public conquis !

Caroline Boudet-Lefort

Dernière représentation ce soir mercredi 5 octobre 2022 à 20h30

Photo de Une DR

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