| Retour

Anthéa - "Le syndrome de l’oiseau" de Pierre Tré-Hardy – Mise en scène de Sara Giraudeau

Pour raconter l’enfer de la séquestration d’une jeune fille enfermée dès l’enfance par son geôlier, Pierre Tré-Hardy s’est librement inspiré de l’affaire Natascha Kampusch, un fait-divers de 1988, en Autriche : on sait donc qu’on n’est pas dans l’imaginaire et que cette horrible réalité peut exister.

Eve est tenue captive par Franck depuis dix-huit ans et elle ne se rappelle pas sa vie d’avant : le passé lui est interdit. Son existence se limite à cet espace : des murs décrépis, une porte fermée à clef, une fenêtre haute et grillagée. Dès qu’il s’absente, il laisse la jeune femme dans la pénombre, menottes aux poings. Elle vit dans cet univers rétréci où elle essaie de s’y trouver au mieux entre petits plats et corvées ménagères. Pas de futur possible autre que ces sinistres routines.

Enfermée par Franck depuis toujours, elle ne connaît pas d’autre espace que cette cave et son monde s’y limite. Tout lui a été confisqué depuis sa vie ici dans ce décor réaliste (signé Jacques Gabel) : une table, des chaises, une étagère et un peu de poésie apportée par un piano sur lequel Sara Giraudeau jouera « La Sonate au clair de lune » de Beethoven.

Pour Franck, il s’agit de posséder l’autre jusqu’à lui supprimer toute liberté et tout horizon, dans une relation sado-masochiste. Manipulateur et violent, il humilie, tyrannise, brutalise cette jeune femme encore ado.
Ils ont même eu un enfant qui vit dans une autre pièce et c’est grâce à un baby phone qu’Eve pourra communiquer avec des secours extérieurs. La pièce se déroule le dernier jour de sa séquestration.
Sans souvenir de sa vie d’avant, elle ne se révolte pas mais rêve de s’envoler. Saura-t-elle affronter le monde extérieur qui lui est totalement inconnu, juste transmis par ce que Franck a bien voulu lui raconter ? Elle profite pourtant de l’opportunité ...

Sara Giraudeau et Patrick d’Assumçao sont parfaits chacun dans leur rôle qu’ils interprètent sans faute. Elle a toujours conservé une naïve juvénilité qui sied à Eve. Lui est massif, saisissant d’autorité perverse (très différent de son inoubliable personnage qui nous l’a fait découvrir dans le film « L’inconnu du lac »). Sara Giraudeau s’est aussi lancé dans cette première mise en scène dictée par l’intensité du texte bien mis en valeur.

Tout spectateur reçoit comme un coup de poing cette histoire des plus sordides.

Avec une écriture directe et efficace, Pierre Tré-Hardy a su parfaitement poser en mots cet horrible cauchemar et le faire en jetant chaque scène en pleine poire du spectateur.

Difficile de théâtraliser une obsession aussi immonde, mais ainsi chacun peut mesurer l’importance d’une telle relation où s’enchaînent les viols, les humiliations, l’enfant, la violence...
Comme un oiseau, Eve voudrait s’envoler, mais cela l’effraie. Le syndrome de Stockholm joue son rôle. C’est donc devenu « le syndrome de l’oiseau », un très beau titre totalement approprié !

Caroline Boudet-Lefort

Visuel de Une DR Anthéa

Artiste(s)