| Retour

ANTHEA - LA MACHINE DE TURING, de Benoit Solès

La 4ème pièce de Benoit Solès nous plonge dans divers épisodes de la vie d’Alan Turing qui demeure une énigme. Turing est une figure complexe à l’intelligence exceptionnelle, avec un esprit hors du commun, visionnaire, passionné par l’intelligence artificielle. Mais un être malheureux, victime de la société de son temps.

Chaque scène permet d’avancer dans la vie de Turing. D’abord champion marathonien, il bégaie et conserve un rire d’enfant émerveillé, toujours fasciné par Blanche-Neige. Grâce à une grande sensibilité dans l’écriture, tout spectateur perçoit l’insolite complexité de cet homme qui grâce à des calculs savants eut d’abord, durant la guerre, un rôle primordial dans le déchiffrage de codes des nazis et permit ainsi de sauver une multitude de vies. Mais cependant, il conserve un esprit puéril : « Quand j’étais enfant, les chiffres étaient mes seuls amis, alors que les autres avaient des ours en peluche ». Un professeur le qualifia de génie, « un génie des maths  ». C’est grâce à cette « bosse des mathématiques » qu’il a posé les prémices de l’intelligence artificielle. «  Les machines peuvent-elles penser ? » est la question récurrente de la pièce et certainement celle à laquelle a voulu répondre Turing. « Si une machine pense, ne serait-elle pas triste, enjouée ou paresseuse. Elle pourrait tomber amoureuse... »

Condamné pour homosexualité (alors interdite), il se suicide en 1954 en mangeant une pomme empoisonnée au cyanure (comme Blanche-Neige).

Cette pièce passionnante est aussi attractive grâce à l’intense interprétation des comédiens. L’auteur est lui-même le principal acteur de sa pièce déjà jouée plus de 500 fois. D’une grande précision, le jeu de Benoit Solès n’est pas dans la plainte, mais plutôt dans l’ironie. Par moments, il bégaie, à d’autres non, quand il devient narrateur, montrant ainsi la structure de la personne qu’est Turing et aussi celui qu’il voudrait être. Son complice, Amaury de Crayencour, interprète trois personnages différents, passant de l’un à l’autre avec une aisance magistrale et sachant aussi permettre aux spectateurs de bien les distinguer.

Dans le très astucieux décor d’Olivier Prost pour ne pas en changer en passant d’un lieu à un autre, la vidéo de Mathias Delfau montre des images de l’actualité d’alors (Churchill par exemple) ou de Blanche-Neige, le personnage chéri de Turing. Pour la musique, Romain Trouillet a conçu un véritable puzzle musical avec quelques notes connues du film de Blanche-Neige qui décidément est inscrite dans la pièce. La mise en scène de Tristan Petitgirard fourmille de trouvailles pour en faire un spectacle poignant, amplement applaudi par un public enthousiaste.

En septembre, Anthéa fera sa rentrée avec « La maison du loup », une pièce du même auteur, avec les mêmes interprètes et le même metteur en scène. Nous l’attendons déjà avec impatience !


Caroline Boudet-Lefort

Visuel de une capture d’écran de la vidéo bande annonce DR

Artiste(s)