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ANTHEA - FALLAIT PAS LE DIRE - Ecrit et mis en scène par Salomé Lelouch

C’est un couple. Un couple comme il y en a tant. Un couple où s’échangent des mots. Des mots gentils, d’autres moins, mais sans aucune animosité. Tous deux s’aiment, se houspillent, s’engueulent sans être jamais méchants, sans se dire leurs « quatre vérités ».

Ce couple, Evelyne Bouix et Pierre Arditi le forment depuis longtemps dans la « vraie vie » comme sur scène, et c’est Salomé Lelouch qui a écrit la pièce avec une grande complicité : fille de l’une et belle-fille de l’autre, elle fut donc élevée par eux deux et a pu observer à loisir leur relation avec un regard incisif, mais tendre et sensible.
Il s’agit d’une succession de petites scènes, racontées avec une attention amusée, sur les discussions - et parfois les désaccords - que pourrait avoir tout couple après quelques années de vie partagée. Chacun peut s’y retrouver, s’y reconnaître et apprécier l’ambiguïté de leurs avis sur des riens de la vie au quotidien, passant du gâteau du dimanche de la belle-mère à la trottinette (« ce char à connards » dit Pierre Arditi).

Avec un ping-pong verbal, ils font preuve, chacun leur tour, de mauvaise foi, ce qui entraîne des discussions à gogo sur de multiples sujets et dans des lieux très divers : dans la rue, au café, dans la cuisine, dans leur lit... Entre chaque scène, quelques notes d’une chanson ou un bref extrait musical tel « Carmina Burrana ».

Le thème est donc : faut-il le dire ? Faut-il avoir un avis sur tout et toujours le donner ?

On ne peut pas tout dire tout le temps à n’importe qui ! Ni même dire qu’on n’a pas d’opinion sur un point précis : tel militer pour le féminisme en précisant n’avoir pas d’avis sur le port du voile, par exemple !

De multiples sujets sont abordés, passant du sida au plombier qui exige qu’on l’appelle « madame », malgré sa barbe de trois jours et sa grosse voix ! Et tous deux s’engueulent sur tout : le réchauffement de la planète : « As-tu déjà vu un seul écolo créatif ? »... « Serait-on des « collabos » du climat en ne faisant rien ? »...
Quelle est la limite de ce qu’on peut dire ou pas ? Faut-il se positionner sur tout ? Quelle place doit-on accorder à l’ambivalence ? Pourrait-on changer d’avis selon les circonstances ? On a beau s’aimer, parfois ne faudrait-il pas taire certains points de vue ?
De plus, faut-il toujours étaler les secrets de famille ? Les mettre au grand jour permet évidemment de liquider des problèmes psychologiques pour cause de refoulement. D’ailleurs ce couple a un secret de famille : la mort de son père à lui dont on a fait un héros...
Avec leurs discussions quotidiennes sur des sujets variés, l’humour reste à la fête ! Il ne cède pas la place à des approfondissements qui n’ont pas lieu d’être sur cette scène de théâtre. On est dans le registre de la comédie, pas dans une étude psychologique sur le couple.
Au passage, Pierre Arditi - avec un visage très mobile, il est le roi de la mimique ! - rappelle ses choix politiques « On peut dire que la gauche s’est perdue et que je continue de la chercher puisque je continue à me revendiquer d’elle, alors qu’elle n’existe même plus ! »

Ecrite par Salomé Lelouch, « Fallait pas le dire » est également mise en scène par elle, en association avec Ludivine de Chastenet qui apporte ainsi un regard extérieur.

Les deux excellents comédiens, Evelyne Bouix et Pierre Arditi, jouent à la perfection ce couple bien sympathique qui nous semble tout proche. Chacun dans son personnage connu à fond puisqu’ils l’ont inspiré Salomé Lelouch, les observant depuis son enfance. La pièce a été écrite pour eux et l’émotion est là.
Cependant, c’est la légèreté qui fait la loi, permettant de rendre intimes ces deux personnes qui forment un couple. Franchise, tact, mensonge, et surtout mauvaise foi, circulent, dans leurs affrontements complices, tandis que chaque spectateur s’amuse à démêler le vrai du faux. En fait, le plombier est-il une femme ou un homme ?
Caroline Boudet-Lefort

Photo de une (détail) DR

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