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ANTHEA - "Dorothy" : L’audace du jeu époustouflant de Zabou Breitman convainc tous les spectateurs

Qui est donc cette Dorothy Parker dont Zabou Breitman a adapté la vie en un spectacle qu’elle interprète seule en scène ?

Elle est née en 1893 dans le New Jersey et morte imbibée de vin, seule dans une chambre d’hôtel à New York, en 1967. D’abord poétesse et critique théâtrale et littéraire, elle devient scénariste à Hollywood, tout en écrivant quelques nouvelles. Mais c’est surtout son humour féroce et ses mots d’esprit qui l’ont rendu célèbre et ont marqué son époque. Ainsi que ses engagements virulents contre le fascisme, l’antisémitisme, le maccarthysme.... Cependant elle ne supportait pas le féminisme !

Décidant de la faire connaître davantage en France, Zabou Breitman, comme toujours audacieuse, entreprend de créer un spectacle englobant tout ce qui touche à cette femme multiple : sa vie, sa personnalité insolite, ses amis variés - de Mankiewicz à Hemingway -, ses engagements, l’époque où elle vit, ses écrits, son humour virulent... En virevoltant sans se ménager, Zabou parvient à tout faire entrer sur la scène d’Anthéa !

Quel tour de force !

Car, non seulement Zabou interprète Dorothy, mais aussi ses interlocuteurs, passant d’un personnage à l’autre avec une aisance sidérante ! Elle lit de brèves nouvelles de cette auteure, des articles écrits sur elle à l’époque, parle de son goût pour l’alcool, de ses cuites mémorables, enchaînant sur l’actualité d’alors, celle de la prohibition. Elle ajoute en quantité des anecdotes où l’on buvait d’autant plus que c’était interdit.

Avec une drôlerie féroce qui dépasse la simple comédie, la pièce raconte toute cette période où règne l’excentricité dans un certain milieu en Amérique. Car il ne suffit pas à Zabou de nous transmettre son admiration pour Dorothy Parker en interprétant cette femme singulière qui explosa dans les années 20, elle captive, avec une ingénieuse habilité, en racontant un savoureux contexte. Elle énumère même les noms de quelques artistes morts alors de l’épidémie de grippe espagnole, tel le peintre autrichien Egon Schiele.

De plus, tout en restant dans le feu de l’action de son personnage, Zabou s’occupe de la scénographie, de la musique, elle déplace sur scène une table ou une chaise, déplie un paravent, sans oublier les changements de robes où elle continue quand même à dire son texte. Elle ira même jusqu’à quelques pas de danse et fait des claquettes durant quelques courtes minutes ! Bravo !

L’audace du jeu époustouflant de Zabou Breitman convainc tous les spectateurs, déjà subjugués par l’audacieux portrait de cette dure à cuire. Mais, entendre le texte d’une seule comédienne dans une si grande salle, oblige en permanence à une attention extrême. Certes, cette intense concentration est un moyen de rendre justice au jeu exceptionnel de Zabou Breitman !

Grâce à son étonnante performance, la pièce est une réussite totale ! Un modèle idéal de ce que le théâtre peut offrir.

Caroline Boudet-Lefort

Une seule représentation à Anthéa, mais le spectacle reste à l’affiche toute la saison au Théâtre de la Porte Saint-Martin, à Paris

Photo de Une : DR Anthea

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