Le sujet n’a rien d’original puisqu’il s’agit de la fin d’une passion amoureuse.
Une jeune femme est blessée par l’infidélité de son compagnon, ils se séparent. Tandis qu’il part au loin, en Bolivie, pour se retrouver face à lui-même, la jeune femme n’arrive pas à faire le deuil de leur relation. Elle chancelle, tombe, s’effondre, même si elle entame, sans conviction, quelques brèves « aventures ». Elle se relève enfin après sa rencontre avec un photographe qui saura la regarder comme elle le souhaite.
Totalement impliquée dans le projet, l’attachante Hafsia Herzi interprète avec ferveur cette héroïne douloureusement blessée, dans son beau film, sensible et vibrant. Celui-ci est sous l’influence de l’admiration que cette nouvelle réalisatrice porte au cinéma d’Abdellatif Kechiche, qui l’avait lancée, à 20 ans, comme comédienne dans « La Graine et le mulet ». C’était en 2007, avant qu’elle ne poursuive sa carrière dans une quarantaine de films. Comme son mentor, elle s’attache au naturel. Tout spectateur, en proie à de multiples émotions, admire la justesse des sentiments. Pour trouver une telle authenticité, il doit y avoir une part d’autobiographie.
Formidablement interprété, son personnage est touchant et provoque une immense tendresse. Telle une « morte vivante » en sursis, elle transmet à tout spectateur son mal-être, sa perte de boussole, sa sortie des rails qui attriste. Rongée par son chagrin, elle n’est jamais tout à fait là et n’arrive pas à échanger dans la moindre conversation, détachée de tout ce qui l’entoure, en larmes au moindre mot évocateur de son amour perdu. Elle cherche dans son quotidien ce qui pourrait l’aider à tenir debout. Recroquevillée sur ses larmes, elle ne pense qu’à s’écrouler seule sur son chagrin, mais la vie alentour la retient, l’oblige à faire face aux obligations du quotidien. Comment se relever de cette tragédie pour elle ? Pourra-t-elle se ressaisir ?
Le chagrin d’amour n’a jamais été filmé au plus près.
Pour elle – et pour tous -, l’amour, c’est beau mais compliqué. Une maladie sans remède qui touche chacun. Pourrait-on mourir d’amour ? Sans doute, non. La terre serait dépeuplée.
Le titre est tiré d’un poème de Frida Kahlo avec qui Hafsia Herzi peut avoir une certaine ressemblance, surtout à cause de ses sourcils très fournis comme ceux de la célèbre peintre mexicaine.
Sans demander aucun financement extérieur pour réaliser « Tu mérites un amour », Hafsia Herzi a tourné son film, sans moyens, avec des bouts de ficelle, en auto-production. Les comédiens, encore peur connus, sont tous parfaits : Jérémie Laheurte, Anthony Bajon, Djanis Bouzyani (l’habituel bon copain gay)... Pour la technique, le défi était de tourner avec peu de personnes, en choisissant des débutants à qui elle a donné leur chance.
Le film a été présenté avec un grand succès en séance spéciale dans le cadre de La Semaine de la Critique, au dernier Festival de Cannes.
Caroline Boudet-Lefort