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Fin de cet événement Octobre 2023 - Date du 20 septembre 2023 au 15 octobre 2023

Les feuilles mortes, d’Aki Kaurismäki

On a l’impression qu’Aki Kaurismäki a déjà réalisé ce film auparavant, tant il ressemble, par son style, à tous les autres qu’il a déjà tournés. Toujours le même, son style est obligatoirement reconnaissable. Retrouver ce cinéaste finlandais avec une nouvelle oeuvre est un grand plaisir : on est captivé, emballé, par les mêmes motifs, les mêmes personnages de losers, les mêmes vieux tubes rock ou les chansons...

Ici, son choix s’est porté sur « Les feuilles mortes » de Prévert et Kosma, en finlandais ! Ce qui donne le titre au film.
Dans des situations tragiques, le spectateur retrouve toujours le même humour pince-sans-rire, lapidaire et burlesque qui vient s’ajouter à une grande puissance poétique, tout en étant porté d’une vision politique implacable et visionnaire sur les mécanismes nuisibles du capitalisme mondialisé. C’est par des détails éparpillés qu’il provoque une grande émotion chez le spectateur, restant toujours fidèle à lui-même et insensible aux modes.

Cette fois, il nous raconte une histoire d’amour, dans un univers en formica et bakélite qui se moque du temps présent.


Ballottée d’un boulot minable à un autre boulot tout aussi minable (de caissière de supermarché à ouvrière à la chaîne dans une usine), une jeune femme, rencontre un homme qui perd tous ses emplois pour cause d’alcoolisme. Il boit à cause de l’insatisfaction de sa vie... Tout est triste à pleurer !
La guerre en Ukraine est sans cesse signifiée à la radio, pour bien ancrer le film dans notre époque. Tandis que des références admiratives à Godard, à Bresson, et à d’autres, sont signifiées par des affiches ou autres, et même Chaplin, son préféré...
On voit les injustices perfides du capitalisme : quand le jeune femme emporte un sandwich périmé, on lui reproche de « voler la poubelle  » ! Elle perd son travail pour cette soi-disant faute. Aussi, toutes les autres employées se montrent solidaires et partent avec elle. Kaurismäki reste toujours dans la générosité, tout en allant à l’essentiel avec un subtil art du dépouillement.

Le hasard joue aussi son rôle : la perte d’un papier où est noté un numéro de téléphone, un train qui écrase l’homme lorsqu’il va à son rendez-vous amoureux, tandis qu’elle reste à l’attendre, pomponnée et dépitée,... Pourront-ils être enfin réunis ?

Ici, pas de psychologie de comptoir

Peu de mots sont échangés entre les personnages, Kaurismäki a toujours rendu hommage aux films muets de Chaplin qui est son maître, d’ailleurs son nom est donné au chien du film – celui-ci aurait mérité la Dog Palm au Festival de Cannes. Le film y était en compétition et a obtenu le prestigieux Prix du Jury. Bien mérité !

Caroline Boudet-Lefort

Photo de Une : (détail) ©Sputnik Oy / Pandora Film, Foto : Malla Hukkanen

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