Le film va s’attacher à montrer le combat de la famille Mortane, aidée par le quartier juif de Bologne, pour récupérer l’enfant en toute légalité. Mais ses parents luttent en vain, même étant soutenus par les communautés juives d’Europe et par certains pays progressistes voisins, au vu du remous international que cet invraisemblable événement provoque.
Au sein du Vatican, l’éducation que reçoit l’enfant – dont on bourre le crâne – le conduit à vouloir devenir prêtre, l’écartant totalement de ses origines et trahissant ainsi sa famille et sa religion. On voit d’ailleurs Edgardo être ému par les clous enfoncés dans le Christ en croix : cela le bouleverse et il voudrait les ôter. Dans la religion juive, la représentation de Christ cloué sur la croix n’existe pas.
Loin d’être à l’honneur du catholicisme, cette affaire de rapt d’enfant fit grand bruit à l’époque alors qu’on est en plein l’affaiblissement de l’Eglise avec encore un grand Inquisiteur. C’est le moment où le Vatican, représenté par Pie IX, voit son influence politique s’affaiblir de façon préoccupante.
Dans une scène terrifiante, le Pape fait le cauchemar de sa circoncision par des rabbins. Un comble ! Il fait d’ailleurs beaucoup de cauchemars montrés sur l’écran...
A 83 ans, Marco Bellocchio a réalisé un film captivant sur ce drame historico-politique qu’il ne connaissait pas lui-même, alors que ce fut un scandale mondial à l’époque où cet enlèvement eut lieu.
C’était durant une période de remous sociaux, car l’Italie se rapprochait de son unité et le Vatican voulait affirmer son pouvoir religieux qu’il sentait se fragiliser.
Au milieu de ces bouleversements, le sort d’un enfant devient un enjeu de pouvoir pour l’Eglise.
Mais, malgré cette démonstration de violence absolue et objective, de cet acte barbare, disons-le, Marco Bellocchio sait toujours garder une distance. Tout en signant une imposante fresque historique du XIXe siècle, le réalisateur regarde cependant, selon son habitude, la politique sous un angle intime, montrant l’évolution de ce gamin arraché aux siens.
Bien sûr, comme habituellement avec Bellocchio, la mise en scène est magistrale avec une grande précision dans la reconstitution grâce à une multitude de détails réels. Ce qui n’empêche pas son imagination de vagabonder dans des rêves, ceux du Pape comme ceux du petit Edgardo...
Caroline Boudet-Lefort