| Retour

Fin de cet événement Janvier 2017 - Date du 21 décembre 2016 au 30 janvier 2017

Paterson, Jim Jarmusch

Gros coup de coeur de la rédaction pour ce long métrage des plus poétiques de Jim Jarmusch, soyez au rendez-vous dès mercredi pour sa sortie nationale !

Le film s’ouvre sur une superbe image d’un couple endormi dans un lit.

La caméra s’attarde sur Golshifteh Farahani et Adam Driver pour mieux signifier la beauté des visages et de leurs corps dessinés sous les draps. Ils sont détendus, calmes, et le resteront tout le long du film. Un film sur un couple qui ne se fait pas la guerre, c’est rare ! Lui s’appelle Paterson. Il est conducteur de bus à Paterson, petite bourgade du New Jersey, berceau du poète William Carlos Williams qui écrivit un ouvrage intitulé « Paterson ». D’où le titre du film ! Ce ne sera cependant pas la seule mise en abîme puisque le comédien qui interprète ce « bus driver » s’appelle Adam Driver – eh oui !

Sa belle compagne, Laura, repeint leur maison, dessine des cercles en étant fan du noir et du blanc et se passionne pour la fabrication de gâteaux, ce qui lui permet de gagner un peu d’argent. Son chien Marvin, un bouledogue anglais, tient aussi une place importante dans le rituel des journées de Paterson, qui, tout en conduisant ses passagers, invente des poèmes qu’il note ensuite sur un carnet. Les mots s’affichent sur l’écran au rythme de ses écrits toujours très brefs. Durant une semaine, les jours identiques se répètent. Seuls peuvent varier les diverses conversations des passagers du bus - parmi lesquels une malicieuse fillette - ou des rencontres insolites comme celle d’un Japonais, amateur de poésie et du livre « Paterson ».

Copyright Mary Cybulski

Jim Jarmusch pointe l’extraordinaire dans des vies ordinaires.

Ainsi la vie de Paterson, dont le métier n’a rien de folichon, est enrichie de la poésie qu’il écrit. Sa créativité est intérieure, alors que celle de Laura est extérieure dans toutes ses petites activités qui plaisent à Paterson, sans cesse surpris par sa compagne. Chacun respecte l’espace créatif de l’autre. Ils ne se tyrannisent pas et leur vie reste sereine.

L’expression « cinéma d’auteur » n’a jamais eu autant de sens que pour Jim Jarmusch. Il envoûte avec peu et son minimalisme à l’effet hypnotique fait rêver. Tout en étant de la même veine que « Dead man » (odyssée sur un bateau ivre où Johnny Depp voguait entre la vie et la mort), « Paterson » est nettement plus prosaïque avec la monotonie de journées identiques d’un quotidien ultra ritualisé. Dans ce film paisible et inclassable, le réalisateur prouve combien il aime les coïncidences (les symétries, le double, la gémellité...) ce qui pourrait donner un nouvel éclairage sur toute son oeuvre. Si les références à la poésie parsèment son cinéma, il crée lui-même des films-poèmes. Pour vraiment les apprécier, il ne faut pas être insensible à la poésie.

Les films sur la poésie sont rares, et peut-être n’en avons-nous pas vus depuis « Bright Star » de Jane Camion, sur les amours du poète John Keats. « Paterson » est une histoire originale sur une idée de cinéma et un regard poétique sur une Amérique inaccoutumée et surprenante.

Caroline Boudet-Lefort

Photo de Une : Copyright 2016 Window Frame Films Inc. Photo by Mary Cybulski

Artiste(s)