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Fin de cet événement Novembre 2016 - Date du 1er novembre 2016 au 30 novembre 2016

"Mademoiselle" de Park Chan-Wook

En s’inspirant librement du roman « Du bout des doigts » de l’écrivaine britannique Sarah Waters, le Coréen Park Chan-Wook signe « Mademoiselle », un thriller, à la fois historique et sensuel, sur des arnaqueurs qui s’entourloupent les uns les autres.

Qualifié de « décadent et virtuose », le roman, sur des pickpockets agiles de leurs doigts, se déroule dans le Londres de l’époque victorienne, aussi semble-t-il incongru de le transposer dans la Corée des années 30 alors sous occupation japonaise. Et cependant cela fonctionne fort bien.

Une jeune femme est engagée par un escroc pour être la servante d’une riche Japonaise vivant recluse dans un immense manoir sous la surveillance d’un oncle autoritaire et pervers. La jeune domestique se trouve embarquée dans un plaisant jeu de dupes où il est question de manipulation et de vengeance, avec en sous-jacent la guerre des sexes et la lutte des classes.

Mêlant le style occidental et le style japonais selon les ailes, l’immense demeure gothique est un élément important. L’espace primordial en est la bibliothèque où le maître de maison collectionne des ouvrages érotiques. Ce gigantesque manoir, qui semblait un écrin de luxe, devient vite une prison.

L’histoire romanesque, extravagante et spectaculaire, avec sa splendeur visuelle et sa sensualité trouble, réserve son lot de surprises de jeux sur les apparences où les manipulateurs manipulent.

Les mots sont des menaces et les sentiments des pièges. Chaque projet s’avère noir, machiavélique et parfois bien compliqué à comprendre par le spectateur qui se perd un peu dans les méandres de manigances de trous de serrure. Foireuses de toute façon, puisque rien ne va se passer comme prévu.
Le regard sur l’intrigue et le point de vue varient selon divers chapitres, puisque le film se divise en trois parties reprenant la même histoire vue différemment par chaque personnage. La manipulation reste au centre du film et chacun cache bien son jeu. Qui tire les ficelles ? Celles que tire Park Chan-Wook sont des cordes, il ne fait pas dans la dentelle malgré la beauté glacée des images.

Le jeu des regards est essentiel. Qui regarde qui ? ou qui ignore qui ou fait comme tel ?

La caméra semble s’en amuser dans des mouvements surprenants.
Car, Park Chan-Wook ne lésine pas sur les mouvements de caméra. Sa mise en scène est clinquante mais efficace, avec beaucoup d’élégance et moins de violence que dans ses films précédents, malgré une séance de doigts coupés et une menace de castration. D’intenses scènes d’amour entre femmes évoquent des estampes japonaises et des plans-séquences sensuels, amples, fluides, sont d’une grande splendeur plastique. Les acteurs, de grande renommée en Corée, sont tous excellents : Kim MinHee, KimTae-Ri, Ha Jung-Woo, Cho Jin-Woong.

Avec ce drame à la puissance vénéneuse, Park Chan-Wook était pour la troisième fois en compétition à Cannes, après son violent « Old Boy » (Grand Prix en 2004) et « Thirst, ceci est mon sang » (Prix du jury en 2009).
Rien, cette année pour ce film déroutant qui provoque de l’admiration devant la beauté des images, mais ne donne aucune émotion.

Sortie nationale le 1er novembre 2016

Photo de Une : (détail) Kim Min-Hee, Kim Tae-Ri | Copyright The Jokers / Bac Films

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