| Retour

Fin de cet événement Mai 2019 - Date du 10 avril 2019 au 26 mai 2019

Les oiseaux de passage, de Ciro Guerra et Cristina Gallego

Sur fond historique d’une tribu du Nord de la Colombie, « Les oiseaux de passage » devient peu à peu un film de gangsters où l’enjeu est la marijuana, très recherchée par les gringos hippies des années 70. L’honneur familial ne peut résister face à l’avidité de l’argent. La guerre de clans met en péril autant les vies que les cultures et les traditions ancestrales. La tragédie familiale est devenue tragédie nationale, car c’est là l’origine des cartels de la drogue.

Commencé par des danses folkloriques où un jeune berger demande en mariage la fille d’une riche tribu régentée par une sévère matrone, le film se centre sur une famille d’indigènes wayuu, le plus grand peuple autochtone du pays, qui va se retrouver au coeur d’un prospère trafic de marijuana. S’occupant du commerce et de la politique, les femmes prennent toutes les décisions et portent le poids du groupe social. L’action du film se situe lors de la « bonanza marinbera », période durant laquelle la Colombie commence à exporter la marijuana cultivée en masse, bouleversant à jamais les mythes et les rituels locaux.

Le scénario ne repose pas sur une histoire vraie, mais sur divers récits croisés faits par les autochtones qui ont suggéré la trame de ce film aux deux réalisateurs étonnés d’entendre cette version bouleversante.

Tout a disparu dans les archives officielles.
Une famille de paysans préoccupés par la dot nécessaire à un mariage souhaité se laisse tenter par le profit tiré de la vente de la marijuana. Ce chemin dangereux les mènera inéluctablement dans un engrenage risqué où leurs valeurs ancestrales seront bousculées. Entre le miroitement de l’argent et les traditions tribales de croyances indigènes, l’évolution va prendre des allures de théâtre antique avec des personnages archétypaux où les femmes occupent une place centrale. Exprimés avec une envoûtante énergie rituelle, rites et interdits règlent la communauté, donnant au film une stimulante spécificité locale qui s’égare peu à peu dans la gangstérisme à l’américaine.
Trois ans après avoir été sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs avec le fascinant « L’étreinte du serpent », le cinéaste colombien Ciro Guerra est revenu au dernier Festival de Cannes avec ce film co-réalisé avec Cristina Gallego (productrice de ses précédents films). Ensemble ils poétisent la genèse des cartels colombiens dans un réalisme magique où les rêves sont des présages.

La bande-son ponctue des danses traditionnelles tandis que les mouvements de robes se mêlent au vol des oiseaux.

Cinq chants évoquent les événements et divisent en chapitres ce film qui semble d’abord anthropologique par son dialecte local et la beauté des images de ses paysages. Carmina Martinez, comédienne de théâtre célèbre en Colombie, interprète son premier rôle au cinéma dans le personnage de la dure matriarche (véritable « marraine » ce qui change des « parrains »). Sinon comédiens professionnels et non-professionnels sont mêlés, afin d’obtenir que certains parlent la langue wayuu.

Bref, un film rare et captivant !
Caroline Boudet-Lefort

Photo de Une : Copyright Ciudad Lunar Blond Indian-Mateo Contreras

Artiste(s)