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Fin de cet événement Octobre 2020 - Date du 16 septembre 2020 au 18 octobre 2020

"Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait", d’Emmanuel Mouret

Dans une maison de campagne de Provence, Daphné, enceinte de trois mois, accueille Maxime, le cousin de son compagnon, François, absent quelques jours pour son travail. Tous deux ne se connaissent pas, mais cette proximité les conduit vite aux confidences : ils décident de se raconter leurs récentes relations amoureuses, ce qui va bouleverser leurs vies.

A se raconter leur intimité, ils vont en créer une nouvelle et ils ne pourront échapper à une attirance réciproque et au trouble qui s’est installé insidieusement entre eux.
Ce n’est pas tant une histoire d’amour qu’un film sur le désir dans plusieurs récits du passé qui s’entrecroisent, portés par de multiples excellents dialogues où alternent légèreté et gravité. Des personnages circulent entre longs discours et élans passionnés. L’un d’eux dit qu’il ne raconte pas une histoire d’amour mais des sentiments. N’y a-t-il pas confusion entre les sentiments amoureux et les tensions du désir ? Entre le véritable amour et le désir volatil ?

Le plaisir, le vrai, se trouve-t-il dans le respect des règles ou dans la transgression ?

Grâce à une mécanique bien en place, des personnages se croisent au fil de différents récits, et le film fait des allers et retours entre les uns et les autres. Comme le titre l’indique chacun a ses contradictions, avec une divergence entre son attachement à quelqu’un - avec l’envie de fidélité qui s’ensuit – et le trouble, le désir, qui surgit soudain pour un autre. Comment être fidèle à une seule personne et fidèle à son désir ?

Le récit est brillamment écrit et finement réalisé. Les personnages tentent tous de composer entre raison et sentiments avec le désir de bien faire, mais il y a de la cruauté malgré soi. Dans les choses qu’on dit, il y a tout ce qu’on ne dit pas. Il y a tout ce qui est caché dans le regard de chaque personnage. Et à ce jeu-là, les comédiens sont tous remarquables, chacun dans son rôle.

De l’émouvante Camélia Jordana à l’ardente Jenna Thiam (une révélation !), de l’inénarrable Vincent Macaigne au parfait Niels Schneider, et bien sûr Emilie Dequenne, prodigieuse toute en duperie par amour.

Le film se clôt - au milieu de sapins de Noël - sur un épilogue muet qui arrive comme la morale d’une fable. Chacun a le lot qu’il a gagné malgré lui. Est-on totalement responsable de ses actes ? Quelle est la loterie de chaque vie ?
Deux ans après « Mademoiselle de Joncquières  » (un grand succès public et un César), Emmanuel Mouret est de retour avec ce nouveau film en tant que réalisateur et scénariste. Ici encore, il nous livre des récits entremêlés comme dans «  Un baiser s’il vous plait ». Les longues séquences dialoguées circulent dans différentes histoires qui vont et viennent en s’entrecroisant sur des musiques connues de Mozart, Satie, Chopin et autres, ajoutant ainsi du sérieux à ces jeux de l’amour et du hasard chers à Marivaux.
Le film se déroule en ellipses et flash-back où parfois un personnage secondaire devance les autres et mène l’histoire racontée dans une mécanique de péripéties amoureuses. On retrouve du Woody Allen dans ces récits très littéraires, tout en quiproquos et tromperies entre femmes et amants. La morale ? Bof ! Il s’agit plutôt de manipulation amoureuse. Ce titre « Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait » semble faire l’éloge de la contradiction, celle qui s’insère dans nombre de nos gestes, pensons-y ! Entre les paroles et les actes, entre la volonté et le désir, entre ce que chacun dit et ce qu’il fait.
Ce qu’illustre parfaitement ce magnifique film ! Un régal !

Caroline Boudet-Lefort

16 septembre 2020 / 2h 02min / Drame, Romance
De Emmanuel Mouret
Photo de Une : Camélia Jordana, Vincent Macaigne DRMoby Dick Films

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