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Fin de cet événement Juillet 2015 - Date du 1er juillet 2015 au 31 juillet 2015

Le Prince de Hombourg de Marco Bellocchio

Voilà près de vingt ans (en 1997) que « Le Prince de Hombourg » a été présenté en compétition au Festival de Cannes sous la bannière de l’Italie. Pourquoi sort-il sur les écrans en France seulement aujourd’hui ? Le mystère reste entier. A l’époque, si l’adaptation faite par Marco Bellocchio de cette oeuvre romantique a pu susciter quelques réserves dues à son classicisme, les critiques étaient plutôt favorables à cette vision concentrée de la sublime pièce d’Heinrich von Kleist, la dernière écrite par l’auteur allemand, avant qu’il ne se donne la mort à l’âge de 34 ans.

Se laissant distraire par le charme de Natalia (Barbora Bobulova), le jeune et exalté Prince de Hombourg, commandant de la cavalerie allemande pendant la guerre de Trente Ans contre les Suédois, n’écoute guère les instructions militaires données par le Grand Electeur (Toni Bertorelli, impressionnant). Aussi le Prince désobéit-il sur le champ de bataille en lançant trop tôt l’offensive. Seule la mort peut être sa punition, alors même que cette désobéissance a conduit à la victoire. Mais, aucune initiative, fut-elle bonne, n’est reconnue par l’armée qui n’admet que les ordres auxquels chacun doit se tenir. Quelles que soient ses supplications et les interventions de sa fiancée, fille de l’Electeur, le Prince sera condamné. D’abord révolté, il accepte la sentence, à la suite d’un rêve lui révélant que cette mort injuste lui donnera une éternelle célébrité, l’immortalité.

Le sujet concernant la rigidité de toute loi autoritaire, qu’elle soit paternelle ou militaire, a pu attirer Marco Bellocchio, fervent antimilitariste et féru de psychanalyse.

Est-ce pour cela, que les atermoiements du Prince semblent être un rêve éveillé digne d’une analyse ? Pour le réalisateur, c’est son inconscient qui a poussé le Prince à agir. Il est davantage guidé par ses rêves que par toute réflexion ou tout raisonnement. Sa folie héroïque est niée par la discipline militaire, même si son courage et son audace sont reconnus. Certes, il a obtenu la victoire, mais il a désobéi. Ce jeune homme, romantique à souhait avec tout ce qu’il faut de sombre et de fragile, prouve, à travers tous ses rêves, que l’inconscient travaille à bas bruit. Le film lui-même semble être un rêve.

Après quelques films axés sur la politique, c’est la psychanalyse qui a façonné la seconde partie de l’oeuvre de Bellocchio.

Pour cette réflexion sur la liberté individuelle face à la loi, le cinéaste se soucie davantage des profondeurs de l’intériorité. Un flou évanescent entoure le visage du Prince, soit qu’il rêve soit qu’il occulte la pulsion qui a entraîné son acte. « La vie est un songe » a dit Calderon, Bellocchio le croit vraiment et il le montre avec son héros qui semble mené par des forces incontrôlées ou par son inconscient.

La mise en scène est respectueuse, avec un parti pris de théâtralité assumée.

Par le cadre et par le flou, Bellocchio invente des jeux d’optique accentués par des éclairages fantomatiques et des clairs-obscurs pour des scènes au clair de lune. La stylisation étrange prête à développer l’imagination de chaque spectateur, quoique le réalisateur l’enferme dans son monde aux portes d’hallucinations insolites.
Alors jeune - il n’avait que 25 ans quand le film a été tourné -, Andrea Di Stefano est le Prince rêveur, somnambule et fougueux. Pour son premier rôle au cinéma, il donne une certaine raideur à son personnage, pourtant animé d’une idéologie romantique.

© Carlotta Films

Dans ce drame en costumes, Gérard Philippe et Jeanne Moreau ont évidemment, laissé un souvenir impérissable de leurs interprétations théâtrales au début du TNP dans les années 50. Serait-ce la raison pour laquelle le film n’est pas sorti en France dès 1997 ?

Photo de Une : © Carlotta Films
Reprise en salles à partir du 1er juillet 2015

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