D’autant plus que ce sont bien souvent les objets qui laissent d’émouvants souvenirs. Et encore davantage quand on a eu l’obsession d’accumuler des bibelots de collection.
« Objets inanimés, avez-vous donc une âme ? » a interrogé Lamartine dans un de ses poèmes. Certains objets de Claire Darling ne sont pas totalement inanimés, ce sont des automates qui s’activent, en ajoutant au film un charme étrange et insolite. Elle sort de sa maison toutes ces merveilles sans distinction de valeur. La rumeur de la « bonne affaire » s’ébruite très vite et tout le monde accourt pour profiter de cette aubaine.
Cette dernière folie est signalée par une amie (Laure Calamy) à sa fille, Marie (Chiara Mastroianni), qui arrive aussitôt, alors que les deux femmes ne se sont pas vues depuis quelque vingt ans. Un drame autour d’une bague a été la cause de leur séparation, mais il est temps d’en finir avec les animosités et les malentendus.
La mémoire défaillante de Claire Darling devient un jeu de piste, un labyrinthe mélancolique à travers passé et présent, illusion et réalité.
Les souvenirs affleurent, morcelés, doux ou cruels. On revoit les étapes de sa vie. Claire Darling a commencé à débloquer à la mort de son fils Martin, à laquelle s’est enchaînée celle de son mari, alors qu’ils étaient en plein conflits. Sa mémoire vacille depuis lors, même si le passé revient. Chaque objet s’associe à des souvenirs évoqués sur l’écran où le passé et le présent se mêlent.
Claire Darling, c’est la merveilleuse Catherine Deneuve qui ne cesse de nous étonner.
Parfaite dans ce rôle de femme mûre à la mémoire défaillante, elle donne ici la pleine mesure de son talent. Sobre mais hantée, elle ajoute un brin d’ambiguïté à des rencontres où l’intimité, les apparences et les malentendus nourrissent des secrets d’hier au coeur de souvenirs biaisés. Dans quelques flash-back sur sa jeunesse, Alice Taglioni prend le rôle. Cela fonctionne parfaitement et on apprécie leur jeu face à la saveur subtile, forcément douce-amère, d’un passé empoisonné par la nostalgie autour d’une bague disparue.
« La dernière folie de Claire Darling » montre de merveilleux moments farfelus qui ajoutent quelques singulières notes oniriques au film : la présence d’un cirque à proximité avec des comédiens grimés qui s’éparpillent et un chameau en cavale qui traverse la rue.
Alors qu’elle s’est d’abord fait connaître par d’excellents documentaires, Julie Bertuccelli s’est inspirée d’un roman de l’Américaine Lynda Rutledge, pour ce troisième film de fiction (après « Depuis qu’Otar est parti » et « L’Arbre »). La mémoire et la famille reviennent comme principaux thèmes dans chacun de ses films, tous excellents.
Caroline Boudet-Lefort