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Fin de cet événement 3 mars - Date du 7 février 2024 au 3 mars 2024

Ciné : ’La bête’ de Bertrand Bonello

Quel film étrange et passionnant que le nouveau long-métrage de Bertrand Bonello qui dérègle tous les sens ! Mais il ne faut pas longtemps pour se laisser aspirer par son monde et seulement accepter de se laisser égarer si on n’a pas compris que cette femme - incarnée génialement par Léa Seydoux - revoit des instants de ses différentes vies.

Dans ce film étonnant, s’inspirant librement de « La bête dans la jungle » de Henry James, Bertrand Bonello prend son aise pour raconter les surprenantes rencontres entre Gabrielle et Louis dans différentes époques et diverses circonstances. Il y règne une atmosphère véritablement envoûtante.

En 2044, où l’intelligence artificielle domine tout, et que donc l’individu est devenu inutile au point de se suffire à revoir ses vies passées, Gabrielle vit dans la crainte imposée par un pressentiment qu’elle a eu dans une de ses vies qui pourrait être autour de 1900.

Cette femme est mariée à un industriel, fabricant de poupées en plastique et en porcelaine : ce qui donne de belles scènes cinématographiques.
Se confiant à un homme, au cours d’une soirée mondaine de cette époque, elle lui dit qu’une bête la poursuit et la terrifie. Cette confidence les lie l’un à l’autre et une relation trouble s’installe entre eux qui se retrouvera tout au long du film et dans toutes les vies de Gabrielle dans des circonstances totalement surprenantes ; cette bête pourrait être un oiseau qui effraie Gabrielle,, et surprend tout autant le spectateur.
«  J’ai passé ma vie à penser à des choses épouvantables », dit-elle. Ainsi Bonello met des images sur des sentiments.
Il y a aussi la montée incessante de la Seine, (qui a réellement provoqué une inondation à Paris en 2010). Cependant, ce n’est pas cette crainte qui inquiète Gabrielle. Mais la peur de la bête … Peur constante ou pressentiment que quelque chose va arriver.

Tout n’est pas réel, il y a de la virtualité dans ce monde où, envahis par l’hydre numérique, trop de choix tuent le choix.
En interrogeant des pratiques hyperconnectées, revenir dans un temps passé est très simple, grâce à l’accès à une connaissance à portée de clic qui laisse les usagers engloutis sous des milliards de données.

On aime tous les films de Bertrand Bonello, mais celui-là nous emballe encore plus que tous les autres.

Il y règne une atmosphère de mystère véritablement envoûtante et l’interprétation de Léa Seydoux, presque toujours présente à l’écran, est particulièrement bouleversante.
Nettement plus sobre - c’est le personnage qui veut ça – son partenaire, le britannique George MacKay, jusqu’ici peu connu en France, est excellent lui aussi. Leur rencontre commence dans les années 20 – d’après les costumes – et l’homme et la femme sont attirés l’un par l’autre. Ils se croiseront à nouveau dans des époques postérieures.
Et des lieux fort différents. Jusqu’aux Etats-Unis où le personnage qu’interprète Léa Seydoux vit dans une maison vitrine où elle est constamment regardée. Tandis que lui est un homme qui a peur de s’abandonner et qui, du coup, pense que ce sont les femmes qui ne veulent pas de lui.

Là, c’est un tremblement de terre qui arrive sans provoquer la catastrophe attendue, puisque c’est cette « bête » invisible qui menace sans cesse, cet invisible lien avec les vies antérieures.

Caroline Boudet-Lefort

Sortie en salles : 7 février 2024 en salle | 2h 26min | Drame, Romance, Science Fiction
Photo de Une : George MacKay, Léa Seydoux ©Carole Bethuel

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