Bouli Lanners a d’abord été peintre et cela se voit dans sa réalisation de « L’ombre d’un mensonge » (et de tous ses autres films) où son oeil a gardé un regard percutant sur les cadrages de visages ou de paysages, avec un sens très esthétique de la composition plastique.
Non seulement, Bouli Lanners est donc le réalisateur du film, mais il en est également le personnage principal, Phil, un Belge qui a choisi de vivre dans une île au Nord de l’Ecosse.
Il s’est intégré aux habitants du coin et travaille pour une famille d’éleveurs avec un dévouement sans faille. Mais voilà que victime d’un AVC, il perd toute mémoire. Il ne sait plus qui il est et ne reconnaît personne en revenant chez lui après son hospitalisation. Il vit seul, découvre pourtant un chien qui l’accueille en frétillant de joie. Il suppose donc qu’il s’agit de son chien.
Millie, une femme de ce village perdu, vient le voir et l’aide dans son quotidien et dans la reconstitution de sa vie d’avant dont il n’a pas gardé le moindre souvenir. Elle lui dit aussi qu’ils avaient ensemble une secrète relation intime.
Sans aucune mémoire, il accepte tout ce qu’on exprime qui pourrait lui permettre de reconstituer un passé en assemblant les pièces de puzzle de souvenirs qu’on lui raconte. Il tente ainsi de s’organiser une nouvelle vie avec une mémoire qui fait défaut. De plus, il est devenu dépendant, sans avoir le droit de conduire par exemple.
Millie l’aide au maximum. Puisqu’ils avaient ensemble une certaine intimité, ils décident de reprendre les rapports qui les attachaient secrètement et leur lien devient de plus en plus solide, malgré le secret gardé vis-à-vis de la communauté très marquée par des principes religieux. Dans cette île lointaine, l’Eglise presbytérienne impose une discipline stricte à une vie déjà austère, tout autant que le gris du ciel.
Il est fort rare au cinéma de s’intéresser ainsi aux histoires d’amour de couples d’un âge avancé, même si cela commence de plus en plus à apparaître (récemment « Vous ne désirez que moi » et « Jeunes amants »). Ce film, très émouvant, est magnifiquement interprété par Michelle Fairley, en célibataire endurcie formant un couple parfait avec Bouli Lanners qui joue très sobrement cet amnésique en quête de souvenirs.
Si le scénario semble un peu « tiré par les cheveux », la réalisation frappe par sa force intérieure et les personnages sont si attachants qu’on sort atteint en plein coeur de la projection de ce film.
Caroline Boudet-Lefort