Coursier et aspirant écrivain, le jeune Jongsu rencontre par hasard Haemi, une amie perdue de vue depuis longtemps, dont il tombe amoureux alors qu’elle part en Afrique. Séduit, il accepte de nourrir durant son absence son chat que ni lui ni le spectateur ne verront jamais. Existe-t-il ? Ce doute en entraînera d’autres, entre mystères et limites floues, entre réel et irrationnel.
Ce chat est-il une illusion ? La première d’une série qui fait s’interroger sur la réalité. Mais, quelle réalité ? Celle racontée par Lee Chang-dong au gré de sa fantaisie et de ses fantasmes ?
Le cinéma n’est-il pas déjà qu’une illusion projetée sur un écran à laquelle pourtant chacun croit ?
Le réalisateur mène le spectateur au bout de sa démonstration en introduisant, entre le jeune homme et la jeune fille, un mystérieux golden-boy avec lequel elle est revenue d’Afrique et qui se vante auprès de Jongsu de brûler des serres pour calmer ses nerfs.
Aussitôt s’installent, entre les deux hommes, des rapports de rivalité teintés d’animosité sociale. Particulièrement lorsque la jolie jeune fille disparaît. Tandis que Jongsu, toujours avec un air sincère et naïf, mène son enquête sur cette disparition, le néo-Gatsby se balade en Porsche, en étalant sa suffisance et son insolente richesse. D’instants apparemment anodins en banalités du quotidien, tout semble conduire le spectateur vers un drame qui n’arrivera jamais. Dans ce film intrigant, tout reste virtuel et oscillant astucieusement entre l’évident et l’opaque. Libre à chacun de donner sa propre interprétation.
Sous des allures de thriller, il s’agit dans « Burning » d’un questionnement existentiel qui se poursuit longtemps après la vision de ce film sans esbroufe et qui déroule avec fluidité des images lacunaires intriguant le spectateur par leur mystère.
Haemi étudie la pantomime dans un théâtre : pour montrer son talent à Jongsu, elle mime l’épluchage d’une mandarine qui n’existe pas. Cette scène pourrait résumer le film, et/ou l’éclairer en posant des questions sur le réel et l’irréel. La femme disparue en vient à figurer à elle seule ce sens profond de la réalité qui sans cesse nous échappe.
« Burning » réunit au casting les acteurs Ah-in Yoo (Jongsu), Steven Yeun (Ben) et Jong-seo Jun dont c’est la première apparition à l’écran.
Ancien Ministre de la Culture de Corée du Sud (de 2003 à 2004) et ancien romancier, Lee Chang-dong, n’était pas venu depuis huit ans à Cannes où il avait obtenu le Prix du scénario pour « Poetry ». Pourtant grand favori, « Burning » a été négligé par le Jury (axé sur des films engagés) lors du denier Festival de Cannes, mais a été heureusement récompensé par la Fipresci (Fédération Internationale de la Presse Cinapatographique).
Caroline Boudet-Lefort