| Retour

Fin de cet événement Juillet 2017 - Date du 20 juin 2017 au 30 juillet 2017

AVA, de Léa Mysius

Jeune ado sauvage de 13 ans, Ava est lentement gagnée par une maladie des yeux qui entraîne une progression - rapide et irrémédiable - vers la cécité. Son ophtalmo lui annonce que l’été qui arrive est le dernier avec sa vue, qui déjà va en s’atténuant, d’abord la nuit, puis peu à peu le jour. Sa mère, bouleversée, décide de lui offrir, au bord de la mer, les plus belles vacances de sa vie.

Plein de soleil et de couleurs, c’est donc un film d’été durant lequel Ava découvre le désir et le trouble sexuels.

Après hésitation auprès de son meilleur copain, elle sera intriguée et attirée par un jeune gitan, beau ténébreux silencieux, qui l’a remarquée. Du fait de ne pas voir, Ava pense ne pas être vue...

Un inquiétant chien noir circule au milieu des vacanciers allongés sur le sable. Sa noirceur tranche sur les couleurs acidulées des parasols. Fait-il partie des visions cauchemardesques d’Ava ? Le chien noir, comme le loup du « Petit Chaperon rouge », symbolise l’attrait de la sexualité. Il fera le messager et le lien entre le gitan et elle.

Avant qu’elle ne devienne totalement aveugle, il la guidera vers le bel inconnu, son premier amour.

Comment envisager un avenir cohérent en faisant abstraction d’un des sens les plus importants ? Telle est la question que pose ce film à tiroirs. Ava cherche, tâtonne, et se détache de tout ce qui pèse ou entrave. Elle doit affronter une épreuve où son avenir se rétrécit. Elle est confrontée à une nouvelle situation dans laquelle beaucoup de choses passent par le regard alors qu’elle perd la vue. Quoique démunie, elle trouve en elle plein de ressources et de soif de vivre à fond. Inconsciente du risque, elle développe ses autres sens et va mettre son corps en danger pour mener sa propre bataille.

Quoique soucieuse d’Ava, la mère, jeune et légère, se préoccupe surtout de s’éclater. Elle regarde sa fille se transformer sans savoir comment l’aider ni quelle attitude adopter.

En rébellion contre l’indifférence de sa mère, l’ado réagit sous forme de fugue. Sa mère est plus libre qu’elle, réservée et « conservatrice ». Au temps des premiers émois sexuels, Ava appréhende la vie différemment et s’ouvre à ce qui la rebutait, en s’éloignant de sa mère et de sa soeur encore bébé, pour atteindre ce que son désir lui impose à vivre. C’est en se construisant contre sa mère et ses amants qu’elle va pouvoir approcher un garçon. Ainsi, elle ira jusqu’à un camp gitan qui semble bien artificiel, avec un mariage de pacotille.

Ce beau film de Léa Mysius est une révélation de la Semaine de la Critique, à Cannes. Premier long-métrage d’une jeune réalisatrice qui, au sortir de la Femis, s’était déjà distinguée avec des courts-métrages souvent primés. De plus, elle a collaboré au scénario du film qui a fait cette année l’ouverture du Festival de Cannes : « Les Fantômes d’Ismaël » d’Arnaud Desplechin.

Malgré le noir total de la situation, Léa Mysius réalise un film solaire, tourné en été, au bord de l’océan, alors que les plages sont bondées.

La musique électro-pop, volontairement chaotique au début, devient de plus en plus harmonique. Petit bémol : on regrette que les personnages soient stéréotypés, malgré les tentatives de s’écarter de la réalité par la vision des fantasmes incongrus, mais intéressants.
On annonce un bel avenir à la craquante Noée Abita. Agée de 17 ans, elle incarne parfaitement une gamine plus jeune qui découvre sa vie de femme en devenir. Avec son sacré minois, elle domine le film de sa magnétique éclosion féminine. Grâce à son énergie et son inventivité, Laure Calamy est excellente dans le rôle de la mère compréhensive, mais irresponsable et dépassée. Elles sont bien encadrées par les personnages secondaires dont Juan Cano, en troublant gitan.
« Ava » est un premier film attachant qui refuse les conventions.

Caroline Boudet-Lefort

Photo de Une : Copyright Bac Films

Artiste(s)