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Fin de cet événement Février 2017 - Date du 8 février 2017 au 28 février 2017

American Honey

Après Red Road (Prix du Jury à Cannes en 2006) et Fish Tank (même prix en 2009), Andrea Arnold, de nationalité britannique, a tourné American Honey, son premier film aux États-Unis. Sans doute fallait-il un regard d’étranger pour cette féroce critique sociale d’une Amérique que personne ne veut voir, celle qui a sans doute voté pour Trump, élu à l’étonnement de tous.

Une jeune adolescente texane quitte sa terne vie routinière où elle survivait dans une zone populaire dévastée, se nourrissant de ce qu’elle trouvait dans les bennes à ordures.

Embobinée par un beau parleur baratineur (Shia LaBeouf) sur le parking d’un super marché, elle suit un groupe de vendeurs à domicile de magazines et part sur les routes du Midwest américain avec une joyeuse bande de garçons et de filles, libérés de toutes attaches. Malgré leur vie infernale, ils chantent et dansent tant et plus. La nouvelle venue trouve aussitôt sa place parmi cette communauté de paumés, marrants et défoncés, et elle adopte rapidement leur style de vie, rythmé de soirées arrosées et de petites aventures amoureuses.

Parmi eux, la directrice (Riley Keough, petite-fille d’Elvis Presley) se trouve être une femme glaciale et intrigante. Aussi ce qui semblait si séduisant au début s’avérera vite plein de chausses trappes et d’embrouilles et la jeune héroïne constate que l’apparente insouciance de la bande de potes est trompeuse.
L’histoire est ancrée dans la réalité. Ces groupes de démarcheurs existent encore aux Etats-Unis. Ce sont des jeunes, employés par des sociétés non réglementées qui les envoient à travers le pays frapper aux portes afin de vendre des abonnements. Fascinée par cette sous- culture sans culture, Andrea Arnold a suivi un de ces groupes partageant leur quotidien en dormant avec eux dans des motels miteux et en parcourant en van des espaces anonymes de plaines immenses et de villes toutes similaires, faites de fast-food et de super marchés interchangeables Par ailleurs, au gré de ses déplacements aux Etats-Unis, la réalisatrice a recruté ses comédiens en herbe lors de castings sauvages. C’est sur une plage qu’elle a, paraît-il, découvert son héroïne, la débutante Sasha Lane, à qui Shia LeBeouf, emblème de cette jeunesse défavorisée, inflige un bizutage sentimental.

Caméra à l’épaule et sans esbroufe, la réalisatrice a dirigé, comme des lions en cage dans leur minibus ou lâchés en roue libre, les jeunes acteurs qui forment une équipe fantastique, devenant une famille recomposée un peu givrée.

Andrea Arnold semble faire corps avec ce groupe lorsqu’il découvre la violence, le mensonge, l’incohérence. Des plus cocasses aux plus dures, toutes les scènes, collectives ou intimes, frappent efficacement grâce à son talent pour le désordre organique.

Entre road-movie et récit d’apprentissage, sans début ni fin, Ameriacn Honey s’étire sur 2 h 43, une longueur excessive qu’il ne méritait pas, avec sa monotonie, ses répétitions, ses décors sans grâce et son ton monocorde, malgré une musique à fond la caisse qui donne la note dynamique (chansons country, pop, rap...) : elle est la poésie quotidienne de cette jeunesse « no future ».

Après la vision de ce film, peut-on encore croire au rêve américain ?

Caroline Boudet-Lefort

Sortie nationale le Mercredi 8 février 2017

Photo de Une : Sasha Lane |Copyright Robbie Ryan

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