Ce film est donc très riche. Trop ? Non ! Car, malgré leur entremêlement, les sujets et les temporalités s’agencent au mieux. Le thème de la torture à l’époque de la dictature est uniquement évoqué, mais le spectateur « voit » les sévices sans la nécessité de flash-back. Fortement ressentie, l’émotion est là !
Le centre du film c’est Tania et son désir d’avoir un enfant avec Vanessa à laquelle elle est mariée depuis longtemps. A cause de préjugés, pour Vera, sa mère, c’est trop ! Alors que, par ailleurs, cette femme se montre généreuse dans son métier en s’occupant d’enfants dangereusement contagieux.
Comment apprendre à tenir compte du désir de l’autre, sans rester installé dans son égocentrisme ? Avec leurs pas en avant, la relation entre Maria et Vera prendra une tournure plus apaisée et leurs sentiments pourront enfin s’exprimer. Finalement, elles auront enfin franchi le gouffre qui les séparait.
En fait, dans l’ensemble du film, il s’agit de parentalité et des difficultés qu’elle entraîne dans toutes circonstances.
La subtilité du regard de Maria de Medeiros sur les personnages est admirable, ainsi que sa délicatesse quand elle les conduit dans diverses directions et quand elle aborde, sans rien de démonstratif, les multiples problèmes auxquels ils sont confrontés. Il suffit de faire appel à la mémoire de chacun et à son ressenti vis-à-vis des différentes situations présentées dans ce film de contrastes. Le spectateur devient ainsi « partie prenante », quoique sollicité en douceur à s’interroger.
Tout ce qui est dit dans le film sur les tortionnaires vient de véritables rapports consultés. Rien n’est inventé, malgré des détails horrifiques (tels des cafards qui se précipitent pour avaler le liquide amniotique réputé très riche). Le film a été écrit par Maria de Medeiros et Laura Castro (Tania dans le film) en s’inspirant d’une pièce dans laquelle la réalisatrice jouait le rôle de la mère, interprétée ici par Marieta Severo dont l’âge correspond mieux au personnage. La qualité de l’interprétation y est pour beaucoup dans la réussite de ce film de femmes. « A nos enfants » est écrit, réalisé et produit par des femmes, uniquement.
Caroline Boudet-Lefort