Pour venir à Cannes présenter en personne son dernier film, le cinéaste a dû quitter l’Iran clandestinement, partant à pied avec un simple sac à dos.
Grâce à d’infinies astuces, il avait réussi jusqu’ici, tout comme Jafar Panahi, à résister de l’intérieur au pouvoir iranien, mais maintenant il a décidé de s’expatrier en Allemagne.
« Les graines du figuier sauvage » raconte la suspicion d’un juge d’instruction envers ses propres filles, après la disparition chez lui de son arme de service, tandis qu’à l’extérieur de leur maison la contestation éclate.
Cet homme, modeste et travailleur, est marié et a donc deux filles, étudiantes engagées dans l’immense mouvement de contestation qui envahit le pays tout entier. Le juge le sait et préfère l’ignorer jusqu’à la disparition de son arme. Dès lors l’atmosphère familiale change pour devenir asphyxiante en étant le reflet de la société tout entière.
Ce qui se passe à l’extérieur se répercute à l’intérieur. Les affrontements se multiplient en famille et dans la rue. Le juge en viendra à préférer la destruction de son entourage pour sauver son pouvoir pourtant remis en question par tous.
Telle un coup de poing, la séquence finale se termine moins sur un meurtre que, symboliquement, sur la chute du patriarcat.
Dans ce climat révolutionnaire plus rien ne peut plus être contrôlé : la folie s’est emparée de ce juge d’instruction (qui symbolise l’Iran) et son entourage ne pourra rien y faire
Le film est donc très engagé, comme l’est tout le cinéma de Rasoulof (souvenons-nous de « Un homme intègre » et de « Le diable n’existe pas », ses films les plus récents !).
Déjà la pression des mollahs sur le cinéaste s’était accentuée dès l’annonce de la sélection de son film à Cannes. Aussi le fait de sa venue pour présenter le film a-t-elle été un vrai miracle. Si la palme d’or avait été accordée à « Les graines du figuier sauvage », cela aurait été un message fort, d’autant plus que ce film passionnant l’aurait mérité.
Caroline Boudet-Lefort