Dans les années 60, très rares furent les galeristes ou les collectionneurs qui repérèrent ou crurent en ces jeunes artistes de la future « Ecole de Nice ». Il est vrai que ces derniers ne se prenaient pas du tout au sérieux ! La plupart préférait les femmes, la fête, le soleil ou la… dérision. Le travail construit d’une part et d’autre part de mise en valeur de leurs recherches n’étaient pas leur fort !
Les galeries ou les lieux d’exposition des grandes capitales artistiques –Paris, Milan, New-York- les ignoraient, voire les méprisaient. « Des provinciaux » disait-on dans le 6ème arrondissement à Paris !.. Même Klein, César et Arman, déjà bien présents sur la scène internationale du fait de leur appartenance au Nouveau réalisme, n’avaient pas « bonne presse ».
L’ignorance, le mépris étaient en fait dans les deux… camps. Les jeunes futurs artistes de l’Ecole de Nice contestaient alors radicalement tous les référents de l’Art académique. Pour tous, seule la rue, les coups d’éclats, le regard des autres jeunes artistes comptaient. L’heure était plutôt à la rigolade ! Même à Nice, rares furent les galeries qui les prirent au sérieux ou investirent sur eux, sauf quelques exceptions notables...
- Ben, Tout est art, 1961
La Galerie Matarasso
Jacques Matarasso avait créé en 1950 une librairie-galerie Rue Longchamp à Nice. Tout en restant un personnage très sérieux et très classique, Jacques Matarasso a toujours aimé présenter les artistes les plus originaux, les plus dans « le vent » comme on disait alors. Il fut l’un des tout-premiers à présenter les créateurs de la future « Ecole de Nice ». Arman, Venet, Gilli, Fahri, Mas lui doivent une partie de leur notoriété.
- Librairie Galerie Matarasso
C’est dans cette librairie-galerie qu’Arman présenta pour la première fois ses Cachets en 1964. Cet amoureux des « belles choses » fut même son tout premier acheteur ! Par la suite, César y sera souvent présent.
Depuis les années 60, Jacques Matarasso a toujours valorisé –et par là accompagné- les jeunes artistes. Il prenait alors énormément de risques par rapport à sa clientèle, et surtout par rapport à la mentalité de la bourgeoisie niçoise d’alors ! Quand en 1964, dans la vitrine de la Rue Longchamp, il exposait les Cartons ondulés de Venet, ses habitués lui disaient : « Jacques, vous ne croyez pas que vous exagérez » !..
Cela ne l’empêcha pas de récidiver en 1964 avec Claude Gilli et ses « Ex-Votos ». En mai 1965, Jean-Claude Farhi y présenta ses Reliefs, des pièces réalisées avec des moteurs soudés entre eux et colorés présentés sur les socles en plexiglas, les Motorcolor. Plus tard, se seront les Cages à mouches, les Bulles de savon de Jean Mas, ou plus récemment sa crèche.
« Je l’ai rencontré (Klein) chez Arman, à l’époque où il commençait sa période bleue. On le traitait de fumiste, mais je savais, moi, que c’était quelqu’un d’intelligent, qui poursuivait une sorte d’absolu. »
Jacques Matarasso, Interview à Nice-Matin, 15 mai 2010.
- Crèche de l’Ecole de Nice de Jean Mas, exposée dans la vitrine de la Galerie Matarrasso (2005)
Les artistes de l’Ecole de Nice : Yves Klein, Arman, César, Serge III, Sosno, Chubac, Hains, Jean Mas, Pinocelli,Venet, Fahri, Ben, Alocco, Miguel, Charvolen… On y trouve également des philosophes, chercheurs, psychanalystes, critiques d’art : Freud, Sibony, Sloterdijk, Restany, Giordan, Malvaux…
Nota de Jean Mas :
« Le livre : duquel émane de la poudre bleue remplace le petit Jésus.
Chaque année des personnages nouveaux sont rajoutés.
La crèche a été détruite fin 2007… »
Galerie Ferrero
Parmi les pionniers à s’intéresser également aux jeunes artistes inconnus de Nice, puis à croire fortement à cette Ecole fut Jean Ferrero. Photographe de nu, cinéaste, et surtout collectionneur, il commence sa carrière dans les années 50 en amassant des clichés et des films sur Arman, César, Gilli, Malaval, Pinoncelli, Sosno, Venet, Ben, etc...
- Ben, Jean Ferrero
Épris d’accumulations en toutes sortes, il prend plaisir à acheter leurs œuvres, « pour pas grand chose » à cette époque. Ce qui le conduit à devenir marchand d’art ou plutôt « brocanteur d’art » comme il se dit lui-même ! Par la suite, il organise expositions et happenings, dans sa vieille villa au pied du Mont-Boron. En 1970, il installe une première « vraie galerie », dans un grand appartement au… 4ème étage, pas très loin de l’église du Port. Son projet est d’« en faire un show-room comme en Amérique ».
- Affiche de la Rétrospective de 1973 au Studio Ferrero
« Marié avec le travail », infatigable, Jean Ferrero fait de sa galerie un véritable « lieu artistique » en soi. Les artistes viennent y travailler, lui les filme ! Il déplacera ensuite sa galerie Rue de France, puis Rue du Congrès où elle se trouve toujours . Le public -niçois, puis italien, puis international- commence à y venir. S’y succédèrent Ben, Venet, Gilli, le groupe Supports/Surfaces, plus tard Moya… Jean Mas y fera par la suite de nombreuses Performas.
Dès 1972 -plus précisément du 14 octobre 1972 au 5 janvier 1973-, il organise sa première rétrospective « École de Nice » avec plus de 150 tableaux. Arman, Alocco, Ben, César, Chacallis, Charvolen, Chubac, Dolla, Farhi, Flexner, Gilli, Isnard, Klein, Maccaferri, Miguel, Malaval, Oldenbourg, Raysse, Sosno, Venet, Verdet sont de la partie .
Mais sur ce plan, le « Sudio Ferrero » ne sera pas le premier. C’est à Vence puis St Paul que le galeriste Alexandre de la Salle avait anticipé. Il a organisé la première rétrospective intitulé « Ecole de Nice ? » cinq ans auparavant, en 1967…
Par la suite, d’autres galeries et d’autres lieux d’expositions prendront le relai…
(nous y reviendrons…, suite dans la prochaine chronique)
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