Cédric Teisseire, du geste minimum (3/4)
Evénements liés à l'artiste
Où commence le futur ?
L’exposition vous offre une plongée dans la création de la fin des années 1980 jusqu’à nos jours avec une prédilection pour les artistes présents sur le territoire méditerranéen. Face à la diversité des propositions plastiques adoptées, l’exposition s’articule sur le principe du « bon voisinage », créant des associations surprenantes et porteuses de sens. (...)
Qui est Cédric Teisseire ?
Voilà un artiste, fier d’avoir été étudiant à la Villa Arson, à Nice et de le faire savoir... Il ne manque jamais de parler de ses diplômes et surtout de ses professeurs, du moins ceux qui l’ont nourri dans cette institution, en particulier Noël Dolla ! Né à Grasse en 1968, il entre dans cette école nationale d’art au début des années 1990 ; l’école était alors dirigée par Christian Bernard, aujourd’hui directeur du MAMCO à Genève.
Il est vrai que Cédric Teisseire a grandi pendant ses études dans un climat très particulier, véhiculé par les milieux de l’art eux-mêmes à quelques rares exceptions près : celui de la « fin de l’art », en tout cas, celui « de son l’agonie » !.. Sans se décourager, il multipliera les essais, durant ses études et par la suite, pour lui redonner vie…
- Cédric Teisseire, Sans titre, laque sur mur, Les passants du Phalanstère, exposition Villa Arson, 1993
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- Cédric Teisseire, Galerie de la Villa, exposition Villa Arson, 1996
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« La peinture continue à opposer certaines résistances, ce qui m’a donné, il y a quelques années, l’intuition qu’elle avait encore des ressources.
L’idée de commettre des infractions m’a paru une source d’investigation assez large pour me servir de ses nomenclatures comme d’un outil, mais pas dans un sens idéologique d’un bouleversement de ses éléments constituants ni d’une dénégation de ses bases historiques.
Il s’agit juste d’une transgression opérée sur les principes du minimalisme, du pop art, de l’abstraction par exemple... ou aussi sur des éléments de la sculpture, de l’installation... comme étant des matières manipulables dans leur mixité.
Entrent en jeu d’autres sources comme la musique qui m’inspire des titres de tableaux ou en génère, mais aussi l’appropriation d’une réalité fonctionnelle qui déterminent les postulats de certaines pièces tout en continuant de croiser le fer avec l’abstraction.
La coulure ou la peau de la peinture sont aussi des éléments tangibles de la réalité, pas des sujets.
Dans mes tableaux tous les principes d’élaboration sont décelables, tous les mécanismes sont démontables et dans le même temps ne sont pas là pour les légitimer.
Ces indices agissent comme une seconde lecture qui laisse entrevoir l’intérêt que je porte sur l’écart qui existe entre la préméditation et le but atteint.
La première lecture se situe sur "l’image" du tableau, sa physionomie, sur l’impression qu’il dégage de prime abord dans sa séduction ou répulsion, dans ce qu’il suscite de sensuel ou de tactile à l’égard du spectateur.
La superposition de ces deux lectures intervient dans le caractère propre de chaque pièce et propose des possibilités d’identification ou de projection autant dans leur forme que dans leur existence.
L’idée que l’on puisse prendre une chose pour une autre motive beaucoup ma production et pousse mes tableaux sur un terrain d’interprétation dépassant le seul champ de l’abstraction ; dans le sens où je tente de croiser ou de confondre l’organisme et l’organisation.
Cette position picturale peut prendre l’aspect d’une attitude fictionnelle et de proposer de tels comportements au spectateur, ce qui rend nécessaire la prise en compte des lieux, des mobiles, des références, des proximités, des contextes.
Reconsidérer, aujourd’hui, la peinture comme une fiction me permet de la repérer dans sa nécessité sans véritablement la "loger". »
Cédric Teisseire, 1998
- Cédric Teisseire
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Depuis, il continue « à vivre et à travailler à Nice » où il défend avec volonté farouche la création contemporaine locale, sans toutefois s’y enfermer. A ce propos, il est co-fondateur d’un « lieu » de création, tout à la fois lieu d’exposition et résidence d’artiste : la Station.
Avec 16 ans d’existence, cet espace est devenu dans ses nouveaux locaux des anciens abattoirs de Nice une vraie institution locale, reconnue désormais sur un plan international.
- Cédric Teisseire, Bi-goût, 1998, Laque sur bois
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Dans sa pratique artistique, Cédric Teisseire choisit des protocoles simples et systématiques. Les modalités de ses recouvrements sont soit des coulures à la seringue, soit une peinture versée directement du pot. Tout est alors affaire de hasard, du moins à un premier degré... En laissant le processus s’opérer seul, l’artiste souhaite se débarrasser d’une certaine subjectivité. Il en résulte de somptueuses traces qui relisent l’art abstrait et minimal avec élégance.
- Cédric Teisseire, Paintings, Galerie d’Art, Dornbirn, 1999
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- Cédric Teisseire, Cross over, 2006,100 x 98 cm, Laque sur toile
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A travers ce projet d’un art volontairement « abstrait », l’artiste est à la recherche d’une « humanité », en d’autres termes, de « l’état d’Homme » comme il le précise dans ses interviews.
Ses études le conduisent à pratiquer les analogies entre « la peinture et la peau », « la peinture et l’organisme », en jouant avec les défauts des matières.
« Cédric Teisseire est connu pour ses tableaux composés de lignes colorées qui tombent en ligne droite et qui forment comme des rideaux improbables jetés sur la grande cuisine du visible dont on s’attend à découvrir en général sur un tableau tel ou tel aspect. D’une certaine manière, ces toiles nous laissent en effet à la porte du visible en nous barrant le regard et en décevant notre attente. Mais, dans le même temps, elles nous offrent une « image » particulière, celle de cette déception même. C’est sur elle que Cédric Teisseire construit son œuvre et ce n’était pas un pari facile. Car il prend à rebours nos attentes et nos certitudes et réussit à nous faire comprendre qu’elles valent sans doute quelque chose mais qu’elles sont en nous comme des obstacles à des plaisirs inédits. Ainsi, c’est bien un rideau que forment ces coulures verticales, ce que les restes de coulures confirment qui forment comme une feuille fine et plate. Ce signe d’une imperfection est la confirmation du procédé, mais ce rideau est en lui-même une réalité particulière. Elle est absolument picturale et est en même temps d’un autre ordre. Ces coulures constituent en tant que telles, une sorte d’entre-deux monde purement fictif, celui-là même de la fiction qui nous hante en ce qu’elles ne relèvent ni de la peinture au sens habituel ni de la réalité au sens de ce qui serait hors du tableau.
Peau fiction Il en va de même dans ses œuvres récentes qui sont des monochromes peuplés de petites excroissances qui forment comme des grains de peau soulevés par un frisson ou des petits tétons érectiles éveillés par un vent imperceptible. Le procédé est autre. Il s’agit de laisser sécher la toile en la posant à l’envers. La peinture accumulée forme des petites stalactites qui une fois fixées et la toile relevées sont comme des extensions contrôlées d’une peau vive. Ce qui se passe alors sur ces toiles est d’un autre ordre. La fiction cède le pas à la perception de ce phénomène à la fois si intime et si extérieur à nous, celui de la peau.
En nous donnant à voir ces morceaux de peau, Cédric Teisseire nous invite à percevoir autrement ce que nous sommes et surtout il nous ouvre à cette idée incongrue et pourtant si juste de reconnaître en notre peau cette frontière à la fois absolue et fictive qui nous sépare de l’inconnu qui grouille en nous et de l’inconnu qui nous entoure. Dans un cas, nous réglons la chose en disant : « ceci est mon corps » et dans l’autre en disant : « ceci est le monde ». En fait il n’y a pas de ceci hormis cette fiction réelle et rêvée, réellement rêvée et qui « est » la frontière, l’entre deux, la séparation et le lien. En effet, elle ne cesse de tendre vers le dehors et de parler la langue du dedans. Ainsi en évoquant la vibration d’un dedans inaccessible qui nous interdit l’accès au visible, Cédric Teisseire fait de la peau à la fois l’écran sur lequel échoue le regard et le sujet même de toute monstration. Il nous dit aussi que nous ne sommes que des souffles incertains enveloppés dans le grand rideau de couleur du temps qui suinte goutte à goutte de toute la peau du monde. »
Jean-Louis Poitevin, 2008 In www.lacritique.org
Pour en savoir plus
sites :
http://www.cedricteisseire.net/intro.html
http://artviftv.free.fr/cedricteisseire.html
interviews de Cédric Teisseire :
http://www.youtube.com/watch?v=OSfJI7Z8nJ0
http://www.youtube.com/watch?v=6Rth02-CwMI