Le nouveau réalisme
Pierre Restany est considéré comme l’un des critiques les plus influents en art contemporain de la seconde moitié du XXe siècle. Il fut un témoin constant de l’effervescence artistique new-yorkaise. A Paris, le 27 octobre 1960 , il crée officiellement le « nouveau réalisme » , ce mouvement artistique en opposition au Pop-art, auquel ont appartenu Klein, Arman, Raysse, puis César. Ce fut d’ailleurs lui, et non les artistes, qui écrivit le manifeste ; il y soutenait l’idée que les artistes contemporains prenaient quelque chose de nouveau dans la vie et l’amenaient dans l’art.
Pierre Restany tint ce mouvement à « bout de bras » pendant 10 ans, malgré les multiples conflits avec et entre artistes. Après sa dissolution en « grande pompe » à Milan en 1970, il continua à organiser une trentaine d’expositions, tout en dissertant sur les qualités et les apports des différents artistes.
Par la suite, voyageur infatigable, il fut de tous les principaux projet de l’art contemporain. « Un mythe ! » a dit de lui Andy Warhol. En 1999, il prit la présidence du Site de création contemporaine du Palais de Tokyo à Paris, voué à la promotion de la scène artistique émergente.
- Pierre Restany au Palais de Tokyo
Pierre Restany, jeune, photographié par Arman, Musée de la photographie, Nice
Et pour l’Ecole de Nice ?..
Et pour l’Ecole de Nice que fit-il ? A la demande du galeriste Alexandre de la Salle, il écrivit chaque fois un texte pour le catalogue des rétrospectives. Par quatre fois –puisqu’il y eut 4 rétrospectives- on ne peut pas dire qu’il fut très flatteur. Ses propos sont du genre plutôt formel, parfois très très critiques, presque méprisants. Ce fut lui qui fit ajouter le point d’interrogation à l’affiche de la première rétrospective « Ecole de Nice ? » !..
A aucun moment, cette Ecole ne souleva son enthousiasme, toujours enclin à n’avoir d’intérêt que pour ses seuls poulains –Klein, Arman, Raysse et César- certes niçois, il ne le niait pas, mais du… « Nouveau Réalisme » ! Quant aux autres artistes niçois, ils n’étaient pour lui que… « quelques virgules »…
Son « vrai » regard sur l’Ecole de Nice transparait dans plusieurs interview ou textes ! Chaque fois, on ne peut dire que ses propos sont enthousiastes et pleins de louanges...
« L’Ecole de Nice » - est la traduction d’une triple coïncidence : la rencontre des destins hors-série (et hors-Nice) de trois niçois : Y. Klein, Arman et Martial Raysse, (Ben n’a jamais constitué qu’un épiphénomène marginal, résiduel et folklorique).
L’Ecole de Nice risque-t-elle de se substituer à l’école de Paris ?
Les Niçois « arrivés » ou ceux qui se considèrent comme tels (c’est-à-dire les leaders de la jeune génération artistique dont les appétits de carrière et les rêves de gloire ont été provoqués et nourris par le mythe d’Yves Klein) sont fidèles à leur terroir natal, à leur soleil et à leur mer. Ils retournent passer les vacances au pays.
Si ce phénomène de retour au bercail trouve une place une structure d’accueil adéquate (un directeur de musée d’art moderne vivant, un critique d’art intelligent, un mécène-promoteur un peu plus fou que d’ordinaire), il se peut que l’Ecole de Nice devienne enfin une réalité socio-culturelle authentique.
Quand à remplacer Paris, que la puissance publique est en train de doter d’un suréquipement promotionnel, exclusivement dédié « à la défense et à l’illustration » de l’art contemporain, laissez-moi rire, pauvre Nice ! »
Interview de Pierre Restany, 1961
- Pierre Restany, jeune, photographié par Arman, Musée de la photographie, Nice
« Une exposition au Musée des Ponchettes à Nice attire brusquement l’opinion sur un constat qui prend l’allure d’une révélation : Yves Klein, Arman et Martial Raysse, figures de proue de la jeune génération picturale, sont tous les trois niçois. La vérité se situe au niveau de la pure coïncidence : une série de rencontres heureuses. C’est l’histoire d’une triple amitié, et d’abord, au sein de cette amitié, d’un visionnaire au destin météorique, mort d’une crise cardiaque en 1962, à l’âge de trente-quatre ans, Yves Klein. Toutes ces manifestations provoquèrent l’indignation ou le mépris.
Mais le ferment était jeté. Il n’a fait que fructifier depuis la disparition d’Yves Klein. Les expositions rétrospectives se multiplient dans les plus grands musées d’art moderne : après Amsterdam, Stockholm, Bruxelles, New-York, la manifestation de Nice prend l’allure d’une très modeste fête de famille.
Pierre Restany in Plaisir de France, mars 1968
Heureusement, l’Ecole de Nice reçut un regard plus chaleureux et plus porteur de la part d’autres critiques, conservateurs, directeurs d’institution et d’autres personnalités.
- Claude Gilli La couleur se déversant sur le pauvre monde, n.d. Coulées en acier peint (photo Séverine Giordan)
Suite à la prochaine chronique
1- Le terme est utilisé dès mai 1960 à propos d’une exposition à Milan regroupant des œuvres d’Arman, François Dufrêne, Raymond Hains, Yves Klein, Jean Tinguely et Jacques Villeglé. L’année suivante, César, Mimmo Rotella, Niki de Saint-Phalle et Gérard Deschamps rejoignent alors le mouvement, puis Christo en 1963. Pour en savoir plus A. Biancheri, A. Giordan, Le Nouveau Réalisme, Ovadia Editeur, 2010.
2 - Il consacre son dernier essai à Yves Klein « Le Feu au coeur du vide » paru aux éditions de La Différence en 2000.
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