Vermeer et son faussaire à l’Oriflamme

Les histoires de faux dans les peintures et les œuvres d’art sont toujours passionnantes. Elles révèlent des mystères et des personnages étonnants. Ainsi Han van Meegeren, ce peintre du XXe siècle a réussi à tromper les plus grands experts et les musées contiennent encore très probablement des faux Vermeer, car s’il s’est dénoncé pour certains, il n’a peut-être pas tout dit…
Le spectacle présente sur scène un directeur d’un musée important (Courtaud institute) et ce fameux faussaire, un peintre très doué mais peu reconnu pour son propre talent. S’initiant aux techniques anciennes, utilisant de vieilles toiles et d’anciens pigments qu’il prépare lui-même, il sait vieillir et faire craqueler les toiles (au four) et leur donner l’apparence de peintures qui ont plusieurs siècles. On apprend d’ailleurs qu’il aurait vendu à Goering (qui a pillé les musées et les collectionneurs juifs) une toile attribué à Vermeer dont Hitler était aussi un admirateur.
Le dialogue entre ces deux hommes que tout devrait opposer est savoureux et rempli d’informations édifiantes. Ce spectacle, entre humour et histoire de l’art nous offre un très agréable moment.
« Rimbaud, Cavalcades ! » à La Tâche d’encre
L’épidémie du Covid a entraîné des mutations et des remises en questions pour beaucoup d’individus. Ainsi Romuald, un ancien graphiste qui gagnait bien sa vie, fait un burn out qui dure plusieurs mois. Interdit bancaire, ruiné, c’est en vidant sa maison qu’il retrouve un livre de Rimbaud offert par son assistante au moment où il a disjoncté et démisionné, car il a crié comme Rimbaud, mais sans le savoir : « Je vais acheter un cheval et m’en aller ! »
La lecture répétée du Bateau Ivre et de toutes les œuvres du poète l’ont transformé en un « rimbaldien » passionné qui achète un vélo et se lance sur les traces de son idole, ponctuant son récit de larges citations et finissant, bien sûr, par le plus célèbre de ses poèmes.
Un one-poète show qui revisite la vie de Rimbaud avec sincérité et émotion, évoquant ses jeunes années à Charleville, sa lumineuse période parisiennes de poète « voyant ».
De : « Je est un autre. Si le cuivre s’éveille clairon, il n’y a rien de sa faute » à : « Que ma quille éclate et que j’aille à la mer », il a écrit parmi les plus belles poésies de la langue française.
Mais qu’allait-il faire à Jakarta, à Aden, que cherchait-il à Harare, pourquoi cette fuite éperdue de soi-même. Comment un jeune poète au faîte de sa gloire s’est-il transformé en aventurier ?
Les énigmes Rimbaud sont toujours présentes et l’ex-graphiste en a fait un spectacle touchant et en même temps plein d’énergie. Il nous propose une belle promenade dans la vie et l’œuvre du jeune prince des poètes et nous donne envie de nous plonger comme lui dans cette œuvre aux profondeurs infinies.
Moby Dick à la Condition des Soies

Un spectacle puissant, bruyant, fiévreux, qui fait peur, une mise en scène incroyable, des voix furieuses, féroces, terribles, un naufrage cinématographique vécu en direct avec des moyens très simples utilisés avec intelligence, jamais je n’ai vu de spectacle théâtral aussi fort. Amatrices et amateurs de vraies émotions, d’histoires de marins, ne ratez pas ce « spectacle » total !
C’est bien sûr l’histoire du capitaine Achab, de son obsession de tuer Moby Dick, la terrible baleine blanche née de l’imagination de Melville qui a été ici adaptée. Quatre acteurs sont présents sur scène qui donnent l’impression qu’ils sont une dizaine. Les personnages et les actions sont « dessinés » avec une grande efficacité dramatique. On s’y croit, on est avec eux sur cet autre « bateau ivre », porté par la haine et les bourrasques de vent et de mer. Les caractères sont bouillonnants et même le jeune et gentil garçon récemment embarqué, va se doter d’une épaisse personnalité. C’est un spectacle vraiment moderne, nourri de cinéma et de super héros. À ne pas manquer, vous dis-je !
Cœur à cœur à l’Oriflamme
Comment donner la parole aux organes d’un corps humain ? William Rageau s’y emploie avec énergie, vivacité et humour. Il se met à la place des principaux organes et les fait dialoguer entre eux. Le spectacle commence par une naissance difficile, celle de Guillaume, et de son corps qui s’organise pour le défendre. Entre un cerveau qui réfléchit trop, un cœur un peu lent à démarrer, un estomac, un intestin, une collaboration active est mise en œuvre.
Un texte incisif, poétique et documenté nous raconte les aventures inconnues d’un corps humain qu’on préfère imaginer silencieux et qui pourtant parle.

Gabor et les chapeaux rouillés au Cinévox
Un spectacle total entre cirque, théâtre, cinéma, show musical. Nous sommes vite immergés dans l’étrange univers post apocalyptique de Gabor, un homme-machine couvert de signes, d’engrenages, de montres, etc., qui a été fabriqué par son génie de père juste avant de mourir.
Gabor part à la découverte de l’humanité qui se trouve être dans la salle.
À bord de sa machine volante appelée Harmonie, accompagné musicalement par des amis imaginaires, les Chapeaux Rouillés, présents sur des écrans, Gabor chante de belles et sensibles chansons célébrant l’humanisme en quête d’un monde bienveillant.
Nous voguons dans une fantasmagorie éblouissante, des bulles colorées de lumière tombent du ciel, les bateleurs et musiciens parcourent la salle et font participer le public.
Entre Magic Circus, Higelin et Tim Burton, ce spectacle généreux, positif, ’emmerveillant’, nous offre un moment hors sol très agréable et en on sort avec des étoiles dans les yeux.

Rêve au Chêne noir
Le Cirque Inshi en exil (“Inshi” signifie “autre” en ukrainien) met en scène de jeunes danseurs et acrobates du cirque traditionnel ukrainien dans une chorégraphie ultra-moderne et sensible. Ces beaux jeunes hommes et ces belles jeune filles au faîte de leur art et de l’épanouissement de leurs corps d’une souplesse impressionnante, offrent des scènes étonnantes de tableaux vivants se mouvant dans l’espace. La scénographie est particulièrement épurée : décor noir, vêtement des danseurs noirs et blancs, seuls des cerceaux d’un rose étincellant et vibrant apportent une note colorée.
Khafizov, le metteur en scène propose ici un spectacle puissant fait de non-dits et d’actions intenses exprimant la résistance, la solidarité et la puissance d’un groupe humain face à l’adversité.

Le Héron à la Maison de la parole
Un moment musical très agréable, intime et calme où l’homme héron, nom de scène de Stéphane, nous invite à prendre de la hauteur pour observer un monde fait de tensions mais aussi de beauté. Il nous fait prendre conscience entre autres qu’avoir de l’eau au robinet et de la lumière à la demande et à volonté est une chance.
Des jolies musiques chantées avec douceur et générosité, des textes engagés poétiquement et socialement nous invitent à la rêverie. Un bon endroit pour finir la soirée.

Mme Bovary - Théâtre des Corps saints
La célèbre Madame Bovary, archétype de la jeune femme insatisfaite, mariée à un homme qu’elle déconsidère, rêve d’une vie plus romanesque. Ses liaisons amoureuses l’entraînent dans des histoires compliquées dont elle ne sort pas indemne.
Ce roman de Flaubert dénonçant une société matérialiste coincée par ses propres codes, a rencontré un grand succès et en même temps qu’entraîné des scandales. Cette bourgeoisie du XIXe siècle est décrite avec une précision sans complaisance.
Hypocrite et satisfaite d’elle-même, elle va attaquer l’auteur (sans succès) pour outrage aux bonnes mœurs et atteinte à la morale publique et religieuse. Flaubert dans ce roman inaugure un nouveau style très réaliste, au scalpel.
Les deux énergiques comédiennes rivalisent d’humour pour nous conter cette histoire, dialoguant et caricaturant. Entre dérision et anachronismes, elles revisitent ce roman devenu chef-d’œuvre de Flaubert avec beaucoup d’ironie, de fraîcheur et d’audace.
