Lennon - Mac Cartney au college de la salle
Excellente idée de raconter l’histoire de la relation de John et Paul en utilisant leurs chansons et des événements qui ont conduit à la dissolution des Beatles. Elle reste énigmatique et incompréhensible pour la plupart de leurs fans.
Bien sûr, on l’attribue à Yoko Ono qui s’est immiscée dans la relation étroite qui depuis leur jeunesse (17 et 15 ans), lie les deux amis, et jusqu’à s’imposer jusque dans le studio d’enregistrement, le laboratoire de création des Beatles.
Deux compères musiciens et parfaits connaisseurs de la discographie des Beatles, ont imaginé une rencontre entre John et Paul, alors fâchés depuis des années (ils ne s’étaient plus vus depuis quatre ou cinq ans) dans l’appartement de John à New York. Paul serait venu porteur du projet de reformer les Beatles. La réponse négative de John entraine un torrent de reproches, un vrai règlement de comptes très bien orchestré mais qui dans la réalité n’a pas eu lieu. Des problèmes d’argent aux problèmes d’ego, les reproches sont illustrés par des chansons qu’ils ont créés ensemble ou séparément, ou avec les deux autres membres du groupe : Ringo et Georges. Après ces déchirements, la complicité semble se réinstaller et John finit par accepter de reformer les Beatles. Un rendez-vous de travail est pris dans quelque mois, mais John sera assassiné par un illuminé alors qu’il rentrait chez lui.
On est heureux d’entendre leurs chansons qui font revenir à chacun de nous des bouquets de souvenirs et de nostalgie.
Barbara de théâtre en théâtre - La Chapelle des Italiens
Une vie de Barbara bien racontée par un couple d’acteurs hyperdynamiques : Rafaèle Huou qui incarne une Barbara puissante et émouvante, a choisi de ne pas imiter la chanteuse, préférant l’incarner avec subtilité, et Philippe Mangenot qui retrace, explique, résume, articule les différents moments du parcours troublé de Barbara : de l’adolescente affamée et souillée à la femme-piano qui ne cède pas son son désir, utilisant ses fragilités au service de son déterminisme absolu de devenir chanteuse.
Rafaèle Huou est vraie, elle ne triche pas. Son énergie, mise au service de la dame en noir, nous restitue une Barbara vibrante et émouvante. Face à elle, Philippe Mangenot est à la fois un narrateur, un compagnon, un technicien, un directeur de tournée ou un confident.
La mise en scène est dynamique et chatoyante. On en sort avec les chansons de Barbara plein la tête en ayant l’impression qu’elle nous est encore plus proche qu’avant. Courez-y.
Anatomie d’une actrice (création 2025) - Théâtre du Roi René
Deux comédiennes, l’une déjà connue et habituée des théâtres et l’autre débutante, répètent une pièce de théâtre, mais les échanges révèlent des tensions profondes, inavouables et des règlements de compte suivi d’une révélation émouvante qui nous fait voir la pièce autremenent. C’est bien écrit (à quatre mains), et sont bien vues les relations complexes, à la fois rivales et complices, entre une mère et une fille, ce qu’elles sont en réalité.
La mise en scène est inventive, jouant sur les effets de miroir et la transparence. La pièce est sublimée par la lumière exceptionnelle signée par Denis Koransky.
Shakespeare - Thêâtre Les Lucioles
Revisiter Shakespeare depuis sa première pièce jusqu’au faîte de son talent et de son œuvre en un peu plus d’une heure est un sacré challenge relevé par une troupe remarquable dont un musicien qui joue de divers instruments, de bruits éonnants pour accompagner cette pièce de théâtre à l’allure anglaise. Ils nous proposent une plongée fascinante dans la vie de William Shakespeare à travers ses œuvres, mêlant des éléments biographiques à des extraits de pièces célèbres. Ainsi, on apprend à connaître les personnages de sa vie qui ont joué des rôles importants : sa femme, ses protecteurs, la Reine Élisabeth, Marlowe…
Les acteurs sont excellents. Il y a de l’humour, des déplacements, des changements de costumes, chaque comédien jouant plusieurs personnages. La mise en scène est inventive et pleine d’originalité.
La Vie Rêvée des Philosophes - Théâtre Le Grand Pavois
Il y a longtemps que je n’avais vu un spectacle aussi humoristique et décalé. Un duo d’acteurs hilarants nous promenant dans l’histoire de la philosophie.
Les plus illustres philosophes sont convoqués, analysés et critiqués dans une mise en perspective savante.
Yves Cusset et Emmanuel Lortet s’en donnent à cœur joie pour transformer la philosophie en une partie de plaisir, alliant la finesse d’analyse aux jeux de mots les plus basiques. Tout en nous rendant les philosophes plus proches et moins abscons, voire enfin compréhensibles, cette histoire des idées devrait être enseignée dans les écoles.
Amor à Mort - Théâtrede l’Etincelle

Ces déchirements amoureux sont audacieux et limite trash.
Amour et À mort sont intimement mêlés dans des scènes intenses qui finisssent par des meurtres horribles. Le rire fuse, mais il est parfois très féroce, très noir, et même peut-être un peu gênant.
Le spectacle mêle satire grinçante, émotions fortes et situations inattendues, révélant les pulsions humaines lorsque l’amour se transforme en chaos. La mise en scène est inventive, la musique originale aux accents de comédie italienne, et l’écriture incisive donnent vie à un univers à la fois délirant et cathartique.
À travers de nombreuses situations, quatre comédiens hyperdynamiques nous entraînent dans un tourbillon jubilatoire qui semble ne pouvoir s’arrêter (ils ont d’ailleurs d’autres horribles meurtres d’amour en réserve). À ne pas rater.
Douze - La maison de la parole
Pourquoi ne pas parler et écrire en alexandrins ? Cela apporterait une certaine détente dans les relations humaines, car obligerait chacun à réfléchir aux mots qu’il s’apprête à prononcer — et donc aussi au sens de son discours.
Si les femmes et les hommes politiques débattaient eux-mêmes en alexandrins, prononceraient-ils autant de phrases péremptoires ou agressives ? La vie ne serait-elle pas plus sereine, plus fluide, plus drôle, plus poétique ? Plutôt que des conflits, nous aurions des joutes oratoires où chaque mot rimerait avec originalité.
Accompagné par la musique de Soliman Brouillaud, ce seul-en-scène de Jean-Pierre Brouillaud offre un moment calme, une parenthèse enchantée, littéraire et musicale.
Tel le fleuve rencontre la mer – Chapelle des Antonins
Sans doute le spectacle le plus émouvant d’Avignon cette année. On en sort bouleversé, les larmes aux yeux.
Mise en scène et jouée par Léa Corbex, cette pièce : Tel le fleuve rencontre la mer, raconte les destins de trois familles entre Tchétchénie, France et Espagne. Trois histoires sont tressés : deux adolescents fuyant la dictature sans pitié de leur pays, un jeune Parisien quête de ses origines, et Madame Lola, vieille chanteuse de flamenco en perte de mémoire, abandonnée par sa fille dans un ephad.
Au delà des parcours troublés de chacun, la pièce interroge les notions de liberté, de transmission et de mémoire « tout en croisant des thèmes universels tels que l’adolescence, la migration, l’homosexualité, la vieillesse et les liens familiaux ».
Ce spectacle célèbre la complexité des parcours de vie et la puissance du théâtre comme outil de compréhension du monde.
La compagnie prône « une démarche collective mêlant recherche dramaturgique et création interdisciplinaire, avec des comédiens venus de différents horizons. Pour Léa Corbex, le théâtre est un espace de partage d’histoires, d’émotions et de réflexion sur les cultures plurielles de notre temps ». À voir absolument
Le Misanthrope à tout prix (création 2025) - Théâtre du Tremplin
Un misanthrope au carré. Un couple de comédiens ayant entrepris de monter le Misanthrope de Molière s’incarnent et s’identifient malgé eux aux personnages, comme dans une mise en abîme. Ça se complique par le fait que Célie est pressentie pour jouer le même rôle dans un film, ce qui pour son compagnon est ressenti comme une trahison, va évidemment poser de graves problèmes à leur couple.
Comment créer à deux sans heurter les égos et les valeurs de chacun ? Quels rôles joue l’argent indispensable et donc les compromissions nécessaires pour monter une pièce ?
Ce spectacle allie le langage de Molière à celui contemporain des acteurs qui passent de l’un à l’autre dans une grande fluidité, tout en démontrant l’intemporalité du Misanthrope