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Sortie ciné : La bonne épouse, de Martin Provost

Tenir son foyer au mieux et accepter avec complaisance le devoir conjugal, voilà l’enseignement de l’école ménagère que gouverne, au début des années 60, une directrice BCBG, incarnée par Juliette Binoche en grande forme dans son tailleur rose et sa coiffure à la Jackie Kennedy, et des « petites manières » étriquées.

Plutôt caricaturale, cette comédie interroge sur la place de la femme dans la société et sur la place qu’elle veut bien y prendre. Il lui manque un regard plus distancé par l’ironie pour être vraiment drôle et on ri parfois plutôt jaune au souvenir de cette époque – aurait-on oublié ces écoles pour filles ? - où la femme n’avait d’autre choix que d’être soumise et résignée, et pourtant souriante.

Le film permet de mesurer une liberté peu à peu acquise, mais bien souvent encore fragile.

Faut-il en rire ? Est-ce vraiment drôle, même si le mode comique est adopté. Il ne s’agit pas dans « La Bonne épouse » de montrer le poids de l’aliénation domestique, mais de ridiculiser toutes les contraintes auxquelles on cherche encore à ligoter la femme. Certaines scènes sont cocasses, ainsi quand cette directrice troque son tailleur pour un pantalon, tenue insolite dans sa chic institution. Une véritable révolution !

Cependant, Mai 68 s’approche avec l’évolution des moeurs qui en découle et cette directrice d’école à l’ancienne découvre qu’elle a loupé la transformation de la société, surtout concernant la femme. Avec cette comédie, on constate l’évolution de la place des femmes et le chemin parcouru dans la société française depuis les années 60. Même si tout n’est pas encore acquis, on est loin de cet horizon féminin qui se résumait alors aux travaux ménagers et aux soins des enfants.

Les étapes de cette émancipation féminine s’incarnent à travers la directrice (veuve, elle va vite retrouver un ancien amoureux) et aussi à travers les élèves effrontées qui ne se soucient guère de savoir bien rattraper une crêpe dans une poêle ou de broder leurs trousseaux. Elles rêvent d’autre chose que du « bonheur domestique » qui leur semble avoir toujours un envers.

Depuis « Le ventre de Juliette » en 2003, Martin Provost s’attache à parler de femmes confrontées à la violence sociale et/ou masculine.

On a tant aimé « Violette » sur la relation entre Simone de Beauvoir et Violette Leduc et « Séraphine », une peintre jusqu’alors ignorée qu’interprétait Yolande Moreau. Mais cette fois, il a choisi le mode comique.
Juliette Binoche semble s’être amusé de ce personnage de ringarde qu’elle interprète avec une certaine distance et un rien d’ironie dans le regard. Elle est entourée par François Berléand, se régalant en mari un rien ridicule, et par Edouard Baer, en parfait ancien amoureux transis qu’elle retrouvera cependant avec joie, alors qu’elle est devenue veuve (son mari s’est étranglé avec un os de lapin et même ses funérailles tournent à la comédie !). Mais il y a aussi, et ce ne sont pas les moindres, Yolande Moreau en naïve belle-soeur au grand coeur parfois envahissant et Noémie Lvovsky qui a enfilé une soutane de bonne soeur pour jouer une mijaurée aigrie et revêche. Tous sont excellents !
Caroline Boudet-Lefort

Photo de Une : Copyright Memento Films Distribution

Sortie nationale : 11 mars 2020 / 1h 49min / Comédie
De Martin Provost

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