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Fin de cet événement Novembre 2020 - Date du 28 octobre 2020 au 28 novembre 2020

Sortie ciné : GARCON CHIFFON de Nicolas Maury

C’est au cinéma « Les Arcades » à Cannes qu’a eu lieu, début septembre, la première projection publique de « Garçon chiffon », premier long-métrage de Nicolas Maury en tant que réalisateur, et également principal interprète. Présent, et fier du label « sélection officielle Cannes 2020 », il a animé un débat à l’issue de la projection, avec Arnaud Valois, également au générique.

Jérémie, la trentaine, tente péniblement de faire décoller sa carrière de comédien, tandis que sa vie sentimentale est mise à mal par une jalousie permanente qui empoisonne son couple. Son compagnon (Arnaud Valois) lui dit « Soigne ta jalousie, sinon on ne va pas s’en sortir ! ». Aussi va-t-il dans un groupe de « jaloux anonymes » où chacun déroule ses suspicions plus ou moins imaginaires. Certains n’hésitent pas à se montrer sous leur aspect le plus lamentable, comme cette femme qui a « réduit son mari en serpillière après l’avoir vu attablé dans un bistrot avec une autre femme ».

La jalousie, chacun la connaît avec plus ou moins d’intensité

Lorsqu’elle est traitée au cinéma, c’est souvent sur un plan moral, comme dans «  L’enfer  » de Chabrol ou dans « Les Dames du Bois de Boulogne » de Bresson, mais ici elle est vue autrement : laissant libre cours à son imagination, la suspicion permanente va bon train et provoque une immense souffrance à Jérémie.

Tout vibre et respire dans cette «  mélancomédie », ainsi que Nicolas Maury a lui-même qualifié son film. La comédie se mêle au tragique et l’humour est souvent présent, ou du moins des prétextes à rire. Ainsi une scène - réelle ou rêvée ? - où il se fait dorloter par des bonnes soeurs ou une autre avec Laure Calamy, follement drôle en réalisatrice en plein burn-out.

Comme Jérémie doit prépare un rôle pour une audition de « L’éveil du printemps » de Frank Wedekind, il décide de partir y travailler dans le Limousin, chez sa mère (Nathalie Baye, épatante). La maison palpite comme un être vivant, elle semble être pour lui un refuge, ou un refus d’affronter sa vie actuelle trop chargée de romantisme. Il a pris cette décision de départ vers sa mère, de façon presque indolente, encore sonné par la séparation avec son mec qui ne supporte plus sa jalousie et à cause de l’annulation d’un rôle que lui annonce Jean-Marc Barr, en chef de production. Rien ne va : ni sa vie amoureuse, ni sa vie professionnelle sans réussite.

Le film flirte avec le surréalisme, ou du moins l’onirisme. D’ailleurs Jérémie se réveille souvent semblant sortir d’un rêve. Plein de surprises, « Garçon chiffon » saute d’une scène à l’autre, cavalant à un rythme qui parfois déconcerte en dépassant les personnages pour rejoindre les acteurs dans leur jeu non réaliste, particulièrement Nicolas Maury. D’autres sujets d’étonnement attendent le spectateur, ainsi Isabelle Huppert dans un rôle de figurante qui traverse l’écran en sortant du cinéma où Jérémie vient de voir « Noce Blanche », choix de film qui a fait dire à son copain « Tu n’en as pas marre de la souffrance ! ».

Et pourtant, on ri dans ce film à l’humour sous jacent malgré sa tonalité plutôt mélancolique, autant dans la fin de la relation amoureuse que dans la rencontre avec sa mère. Ayant découvert avec stupéfaction l’homosexualité de son fils adoré, celle-ci se contente de lui dire qu’il ne parle jamais de ses « amours ».

Déjà écrite et choisie avant le tournage, la musique est très présente, elle souligne le jeu des comédiens souvent dans des personnages fragiles. Aux rôles d’Arnaud Valois et Nathalie Baye, ajoutons Théo Christine en copain qu’il retrouve au bord d’une piscine, et Florence Giorgetti, disparue en octobre 2019 et dont c’est la dernière apparition à l’écran.

Avant cette première réalisation, Nicolas Maury était un acteur vu dans « Rencontres d’après minuit » et « Un couteau dans le coeur » de Yann Gonzalez, mais aussi chez Philippe Garrel, Rebecca Zlotowski, et dans la série « Dix pour cent » Il fait partie des comédiens qui repoussent les frontières de l’ambiguïté, jouant, sans complexe, un travesti et en apprenant à faire un atout de sa voix haut perchée. Ainsi, il tenait au théâtre, il y a des années, le rôle de la Princesse Léonide dans « Le Triomphe de l’amour » de Marivaux. Mais ici, en jaloux maladif, Nicolas Maury est touchant, attachant, aussi drôle que sensible avec son pull décoré de moutons.

Caroline Boudet-Lefort

Photo de Une : Nicolas Maury |Copyright Les Films du Losange
28 octobre 2020 / 1h 48min / Comédie, Drame
De Nicolas Maury
Avec Nicolas Maury, Nathalie Baye, Arnaud Valois

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