Daniel Blake, honnête ouvrier menuisier presque sexagénaire, a dû lâcher son boulot sur ordre médical suite à des problèmes cardiaques. Aussi fait-il appel à l’aide sociale pour toucher une pension d’invalidité. Marginalisé à cause de son âge, Daniel Blake a pourtant encore beaucoup d’énergie et de capacité de travail, mais il bute sur le maniement d’internet dont il se montre incapable de se servir, risquant ainsi d’être radié de toute caisse d’allocations qui fait la chasse aux profiteurs. Isolé dans sa vie, notre héros cherche à créer du lien et rencontre une jeune mère-célibataire. Liés par la solidarité, ils vont affronter ensemble les abus et les engrenages kafkaïens de l’administration anglaise.
Avec cette histoire bouleversante, Ken Loach, aidé de son fidèle scénariste Paul Laverty, dresse un état des lieux.
Selon lui, les institutions politiques ont délibérément utilisé la faim et la pauvreté comme moyens de pression pour obliger les gens à accepter, par désespoir, des salaires très faibles et des emplois précaires. Dans la lignée habituelle de ses films, celui-ci est le plus engagé socialement et reflète un contexte très actuel en traduisant une manière de vivre et d’exister de la working class représentée avec une grande authenticité.
Alors que Ken Loach voulait arrêter de réaliser des films (il vient d’avoir 80 ans !), l’éternel militant de gauche a repris la caméra pour parler autant à notre intelligence qu’à notre coeur.
Encore une fois, sa rage politique a pris le dessus pour ne pas renoncer à réaliser un film engagé et rude sur l’histoire de cet homme luttant contre l’absurdité administrative et les réductions budgétaires sociales. Car, tel David contre Goliath, notre héros doit se battre pour ne pas voir sa maigre pension supprimée.
En prise avec les problèmes d’aujourd’hui, « Moi, Daniel Blake » n’est jamais démonstratif et retient l’attention du début à la fin. Il est impossible de ne pas être ému par ces problèmes d’actualité.
Ken Loach s’est toujours élevé contre le gouvernement anglais et son administration. C’est un homme en colère qui filme - certes sans audace cinématographique ni découverte, mais avec son talent habituel et une rage impuissante - cette critique de la société actuelle, de l’administration, de l’informatique... Il se lance dans une dénonciation juste et poignante de services sociaux qui, victimes d’une doctrine néo-libérale, ne sont pas là pour aider mais pour éliminer. Pleine d’observations secondaires (le voisin qui vend ses chaussures....), la première partie du film est plus réussie que la seconde qui penche trop vers le mélo à la Dickens : aujourd’hui c’est une honte et une exclusion d’être pauvre.
Le cinéaste britannique a choisi des comédiens épatants : un inconnu Dave Johns, humoriste de l’autre côté de la Manche, incarne son personnage avec une bienveillance constante pour soutenir sa nouvelle amie (Hayley Squires) et ses enfants dont il devient un grand-père de substitution.
- Dave Johns, Hayley Squires |Copyright Le Pacte
Sans esbroufe et même très classique dans sa forme, « Moi, Daniel Blake » était le film le plus émouvant de la compétition cannoise – difficile de retenir ses larmes !