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Les Opportunistes

Une scène d’introduction montre un cycliste renversé de nuit par une voiture sur une route de campagne. Personne ne s’arrête pour lui porter secours. Ensuite, la douce luminosité de la Lombardie éclaire l’écran en revenant sur les mois précédant cet accident qui sont racontés de trois points de vue différents, chacun faisant l’objet d’un chapitre sur l’un des personnages et renseignant un peu plus sur les circonstances du drame.

D’abord, Dino (Fabrizio Bentivoglio), un agent immobilier au bord de la faillite et prêt à tous les compromis pour grimper dans l’échelle sociale.

Pour cela, il prend des risques financiers auprès d’un homme d’affaires sans scrupules, mari de Carla ( Valeria Bruni-Tedeschi) qui représente le deuxième chapitre. Femme vivant dans le luxe, elle s’achète un théâtre avec de bonnes intentions culturelles avant que son mari (Fabrizio Gifuni) ne le lui ôte pour le transformer en de rentables appartements. Enfin, Serena (Matilde Gioli), fille de Dino, adolescente qui reste le seul espoir de cet univers pourri par le fric.

Un dernier chapitre, l’épilogue, fait basculer l’intrigue et ses nombreux rebondissements sur la révélation obligée du coupable de l’accident.

En complément, s’ajoute le montant du versement pécuniaire correspondant au « capital humain » calculé - et estimé !*- par les assurances. Le titre italien (Il capitale umano) est donc plus approprié en conservant la traduction littérale du titre du roman de Stephen Amidon « Human Capital » dont le réalisateur s’est librement inspiré, tout en suivant la même trame.

Alors que le thriller américain de Stephen Amidon se déroulait dans le Connecticut, Paolo Virzi situe l’histoire de son film dans l’Italie de 2010, période de crise.

Qu’importe ! Dès qu’il s’agit de requins de la finance et du pouvoir de l’argent, il n’y a ni frontières ni époque.

L’avidité, la spéculation, l’ambition, la cupidité, les profits avec transactions douteuses touchent certaines sphères d’une société rapace un peu partout et les styles de vie y sont semblables quand le fric domine. Il n’y a plus de valeurs morales et seul compte l’enrichissement personnel.

Sous leurs vernis, tous les personnages de cette comédie humaine d’aujourd’hui sont des monstres, chacun à sa manière.

Ces riches Italiens provinciaux dominent une société qui a perdu ses repères moraux que ce soit « le requin » qui montre des dents particulièrement longues ou ceux prêts à tout compromis ou manipulation soit pour de l’argent soit pour protéger leur progéniture.

La froideur des spéculateurs financiers sans moralisme entraîne la dégradation culturelle, telle la fermeture du théâtre Politeama dont l’abandon exprime le déclin de la culture. C’est un signe dans un pays où les salles de cinéma ferment de plus en plus.

Matilde Gioli Copyright © Bac Films

La construction scénaristique de la division en chapitres et des courbes spacio- temporelles qui reviennent sur les mêmes événements rendent le film un peu trop complexe sinon démonstratif, mais, en sortant du cadre de la comédie, Paolo Virzi confirme son engagement dans un cinéma politique et son talent est soutenu par d’excellents acteurs qui semblent se réjouir des caricatures qu’ils incarnent.

Déjà vainqueur de sept Donatello (les Césars italiens), dont le meilleur film et la meilleure actrice pour Valeria Bruni Tedeschi (superbe !), « Les Opportunistes » a été retenu pour représenter l’Italie dans la course aux Oscars 2015.

Photo de Une : Fabrizio Gifuni, Valeria Bruni Tedeschi Copyright © Movienet
LES OPPORTUNISTES De Paolo Virzi

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