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Fin de cet événement Décembre 2017 - Date du 22 novembre 2017 au 31 décembre 2017

La lune de Jupiter, de Kornél Mundruczo

Filmé comme un thriller, « La Lune de Jupiter » se voudrait une fable mystico-politique sur l’inhumanité réservée aux réfugiés en Hongrie, où elle est pire qu’ailleurs.

Dans l’impressionnante ouverture du film, une embarcation de fortune chargée de migrants est interceptée, à la frontière hongroise, par la police qui tire à vue sur les infortunés et abat l’un d’eux. Celui-ci revient aussitôt, par-delà la mort, en lévitant au-dessus du lieu de la traque. Il provoque un moment de sidération, tandis que les autres réfugiés fuient dans les bois.
Hospitalisé, ce jeune Syrien va retenir l’attention d’un médecin corrompu qui voit aussitôt le profit à tirer du « pouvoir » que possède cet adolescent. Croyant découvrir un ange, il veut l’utiliser pour rembourser une dette, tout autant financière que morale.

En distordant la réalité, Kornél Mundruczo sculpte un récit étrange fait de blocs et de trouées, ouvrant par moments sur d’intenses discussions avec le médecin uniquement préoccupé par l’intérêt à tirer pour lui-même de cette situation rocambolesque.

L’image opère toute une série de décadrages pour mieux saisir l’imaginaire outré qui, peut-être, se voudrait engagé, mais n’est finalement que sophistiqué. Les scènes de lévitation répétitives lassent le spectateur sans doute peu convaincu par ce film, malgré la virtuosité technique incontestable du réalisateur (une poursuite en voiture, des fusillades, une explosion dans le métro, un saut dans le vide à travers une vitre, ....).
Kornél Mundruczo ose toutes les audaces. Dans son précédent film (plus emballant), « White God » (Prix Un certain Regard, en 2014), un Spartacus canin menait une révolte de chiens bâtards contre des racistes. Cette fois, c’est un ange à la Pasolini qui ressuscite et s’envole dans le ciel face à un médecin cynique. Cependant cette fiction funambulesque n’est guère convaincante sur le fond. Par contre, sur la forme, bravo ! Surtout pour la scène d’ouverture sur la traque des réfugiés dans la forêt qui laissait supposer un film sur la cruciale problématique des réfugiés actuellement.
Mais, le regard du réalisateur sur les migrants reste ambigu. Il est impossible de déceler dans ce film le sens de sa démarche avec ce mélange de réalisme et de fantastique, de réel et d’imaginaire. L’amalgame semble opaque entre chaos et corruption, aussi bien qu’entre personnages stéréotypés et intentions mal définies, peut-être seulement opportunistes. Son incontestable virtuosité technique est au service d’une esthétique plutôt laide et l’image donnée des Hongrois est douteuse : sont-ils donc tous soit fascistes comme le policier soit profiteurs comme le médecin ? Et que cherche-t-il à dire sur une Europe impénétrable pour les réfugiés ?
La qualité de la mise en scène et de l’interprétation (bravo surtout à Merab Ninidze en toubib douteux et à György Cserhalmi en flic salaud !) ne suffisent pas à faire un bon film qui incontestablement laisse en suspens une multitude de questions, d’abord et déjà son titre...

Caroline Boudet-Lefort

Photo de Une Copyright Pyramide Distribution

Sortie nationale en salles

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