Au début du film, une voix-off suggère un parallèle entre les cathédrales d’hier et les immenses stades d’aujourd’hui où se joue la finale de la Coupe du monde.
Sur le terrain un joueur circule bizarrement parmi ses coéquipiers qu’il voit peu à peu comme des petits chiens à longs poils, tandis qu’une épaisse mousse rose envahit le terrain. Diamantino est pourtant une immense star du football. Mais voilà que ce jour-là, lors du match de sa vie, il n’assure plus et va devenir la risée des réseaux sociaux. Trop de choses encombrent son cerveau déjà pas très futé : il est dépouillé de sa fortune par ses deux soeurs ( des jumelles qui ne cessent aussi de l’humilier), en hommage à son père décédé, il cherche à adopter un réfugié (en réalité une fille qui se fait passer pour un garçon), ses seins poussent suite à une transformation génétique, il affronte une publicité fasciste, et il découvre ses premiers émois amoureux....
De quoi déglinguer encore davantage son cerveau qui l’est déjà pas mal.
Riche grâce à son génie de footballeur, il habite une sorte de château encombré d’objets hétéroclites décorés de sa tête d’abruti. Par chance, il prend conscience que la société n’est pas ce qu’on lui raconte, le jour où il aperçoit des réfugiés dérivant sur une embarcation de fortune.
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On ne reconnaît pas Carloto Cotta, le comédien de « Tabou » de Miguel Gomes, tant il joue à la perfection ce sportif naïf qui voudrait maintenant diriger sa vie et ne plus être une marionnette manipulée par ses horribles soeurs furibondes genre Cruella.
A travers lui et insidieusement sous l’angle de la comédie, le film aborde quantité de problèmes de notre temps : le néo-fascisme, la crise des migrants, les ahurissants trafics génétiques, le capitalisme libéral....
Gabriel Abrantes et Daniel Schmidt ont déjà réalisé ensemble deux courts-métrages en travaillant sans se répartir les tâches, mais comme deux amis qui sont stimulés l’un par l’autre, ce qui est gratifiant intellectuellement : la pratique de l’art devient alors un processus social et chaque univers se nourrit de celui de l’autre. Abrantes est Portugais et son compère est Américain. C’est à New York qu’ils se sont rencontrés au cours de leurs études dans des écoles différentes, l’une modeste l’autre pas.
Ils doivent bien s’amuser en travaillant ensemble à en juger par ce premier long-métrage au budget qu’on devine étriqué, et pourtant sélectionné à la Semaine de la Critique au dernier Festival de Cannes. Le public était un peu déconcerté devant cette fable aberrante nourrie de pop culture et de trouvailles farfelues. Fallait-il rire ? rouspéter ? Avec ce film inclassable, il est certain qu’on est au-delà du réel, on est au cinéma !
Caroline Boudet-Lefort