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L’atelier Schlomoff – 100 portraits et plus si affinités

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Jean-Michel Basquiat

John Cale

Helena Tulve

Guido Van der Werve

Didier Arnaudet
© Jérôme Schlomoff

« Faire un portrait revient à adopter une certaine attitude envers le monde qui nous entoure et que l’on observe. Ce monde devient portrait car tous sujets est une recherche de vérité. Mon parcours part du portrait. Son développement m’a amené à avoir une démarche artistique » Ainsi plus qu’une simple reconstitution de l’atelier du photographe, l’espace d’exposition renvoie au propre itinéraire créatif de Jérôme Schlomoff « Si je parle d’atelier, plutôt que de studio, c’est parce que je ne fabrique pas seulement des images dans mon studio... J’y fabrique des appareils photos ou caméras sténopés de tous genres en carton, fer, bois ; je fais de la reliure pour les livres d’artistes ; je fabrique des maquettes pour mes projets »
Mais des images, il y en aura ! Des images à tous les stades de fabrication comme dans un atelier : Tirages argentiques, épreuves, photocopies de travail, sténopés. Le catalogue de cette exposition hors-norme, c’est le visiteur qui sera convié à le faire lui même en puisant dans les photocopies des 100 portraits mis gracieusement à sa disposition. Ces propositions qui déplacent l’idée de l’exposition sont à la mesure de son auteur qui ne s’intéresse pas à la photographie en tant que technique mais en tant que langage. Une grammaire du visible que Jérôme (né en 1961 à Vincennes) qui vit et travaille à Amsterdam, explore depuis une trentaine d’années, seul ou parfois même « accompagné »

Le portrait, une enquête sur la vie

« C’est autour de 20 portraits réalisés depuis 2005 pour la Fondation Prince Pierre de Monaco que j’ai construit cette exposition. Cela me semblait légitime de montrer la raison de ma présence à Monaco et ma façon de témoigner de la création actuelle » Ainsi Jérôme Schlomoff donne à voir 100 figures du monde de l’art « portraitisées » au fil de ses rencontres : Basquiat, Gilbert & Georges, Daniel Buren, Keith Haring, Christian Boltanski, Jonas Mekas, Didier Arnaudet, écrivain et commissaire d’exposition, Leo Castelli, marchand d’art, des écrivains ou compositeurs de la série faite pour la Fondation Prince Pierre de Monaco présidée par Son Altesse Royale la Princesse de Hanovre. Une Fondation qui soutient depuis plus de 40 ans la création contemporaine dans les domaines, littéraire, musical et artistique. On y verra également des portraits d’inconnus. Un travail partagé avec d’autres artistes. « Les sans abri de Nancy que j’ai photographié alors que François Bon faisait son atelier d’écriture pour le théâtre de la manufacture. Des portraits d’habitants d’un village de Ligurie à 1h de Monaco où j’ai passé cinq étés. ».
« Faire le portrait de l’Autre…c’est tenter l’approche la plus fine d’une vérité inatteignable ». Ainsi pour le photographe sa complicité avec le sujet ne souffre d’aucun parasitage « Un minimum de moyen pour un maximum d’effet. Je suis parti de cette définition de la modernité de l’architecte Mies van der Rohe pour me débarrasser de la technique dans un souci d’unité. » Pas de mise en scène, non plus : « C’est une imitation de la vie, alors que le portrait est une enquête sur la vie. Je m’efforce au contraire d’évacuer toute forme de mise en scène que le sujet serait tenté de m’imposer. Je photographie les gens debout, libres de leurs mouvements, sans maquillage, avec une seule source de lumière à la face. Les séances n’excèdent pas 20 minutes. Au-delà, il n’y a une perte de concentration… Il est important de faire oublier tout ce qui est autour de la relation qui se joue entre le sujet et le photographe » Seule une telle exigence peut permettre de capturer cet instant fragile que traque Jérôme « Une vérité inatteignable car il est impossible qu’une photo prise au 60ème saisisse dans une expression la vie entière de la personne. Ce serait prétentieux ! Mais un bon portrait doit tenter d’englober les trois temps de notre passage sur Terre : le passé, le présent, le futur. Ces photos que l’on dit parfois touchées par la grâce répondent à « la notion de constat ». Un instant qui convoque la vie mais aussi l’idée de la mort, du masque funéraire. C’est la conjonction de tous ces états qui nous approche le plus de la vérité ».

Et plus si affinités

« La photographie étant souvent un art solitaire, il m’est apparu vital de faire dialoguer mon langage avec d’autres créateurs mais aussi parce que toute discipline se doit d’être perméable » commente Jérôme Schlomoff qui commença par transformer les lieux d’architecture en appareils photographiques via le sténopé (Le Pavillon Mies Van der Rohe à Barcelone, le cabanon du Corbusier à Roquebrune-Cap-Martin etc.). L’écriture, la musique, la peinture, la poésie, tous ces arts qui viennent se mêler à ses projets sont le plus souvent le fruit de rencontres. Des rencontres qui lui permettent d’ouvrir la photo à d’autres champs du possible. Un partage lisible au fil de l’exposition. Ainsi chacun des portraits est accompagné d’un texte écrit par l’écrivain Didier Arnaudet. Quand aux films sténopés présentés, ils furent réalisés en complicité. « Babel babil » fixe sur la pellicule un moment privilégié entre le peintre transalpin Leonardo Rosa et le poète Bernard Noël. Deux autres témoignent de ses affinités avec le peintre et cinéaste hollandais Henri Plaat et l’artiste Marc Couturier. Le compositeur Smooth one à qui Jérôme confia la musique de ses films réalisera la bande-son d’une installation sténopé qui place le visiteur à l’intérieur de l’appareil photo. « Cette chambre sténopé qui clôt le parcours tisse un lien entre le portrait de l’humain et celui de la ville. Cela sera un très beau portrait de Monaco dans lequel les visiteurs pourrons pénétrer » En effet cette chambre noire juste percée d’une fenêtre/obturateur renverra l’image du port et de la ville à l’envers et sur tous les murs de la pièce. Une expérience unique à vivre, empreinte de cette lumineuse poésie qui peut parfois nous faire douter du réel.

Toutes photos © Jérôme Schlomoff

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