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Rodolphe Cosimi - " Temps"

Le temps est éternel, dit-on. Au même titre, un dicton populaire lui donnerait volontiers son poids en or. Vendre son âme au diable pour goûter à l’immortalité, voilà un commerce bien lucratif : Dorian Gray ne s’était pas trompé lorsqu’il fit de sa beauté une œuvre d’art vieillissante. Il donnait ainsi à l’art sa définition la plus judicieuse, un outil de liberté temporelle fascinante. Un arrêt sur image immortel.

Et si l’on observe attentivement les « coulures » de Rodolphe Cosimi, le mot « art » prend ainsi tout son sens. Peindre signifie faire vivre, faire renaître de la mort ce qui a disparu une fois le temps passé, fané. La « coulure » évolue librement et épouse les aspérités de la toile, sans jamais disparaître…Mais son parcours finit toujours pas être stoppé, figé. Volontairement involontaire, ce langage pictural signifie beaucoup pour Rodolphe Cosimi, qui l’expérimente et tente de le maîtriser depuis bientôt dix ans.

Rencontre avec l’artiste

Rencontre avant le vernissage de sa nouvelle exposition avec Rodolphe Cosimi
©B.Goguillon ACA Mars2010

(interview réalisée par Brune Goguillon)

- Art Côte d’Azur : Cette nouvelle exposition s’intitule « Coulures ». En quoi consiste votre travail ?

- Rodolphe : L’exposition a lieu au restaurant le Mirazur à Menton pour sa réouverture annuelle.
J’y expose mes séries 2 et 3 ainsi que des sculptures autour des « coulures », un travail que j’ai commencé il y a de cela dix ans. Ma peinture s’inscrit dans une recherche informelle. Cela se rapproche de la Factory, de l’école de New York, Pollock, Soulages…Ce sont des références et des inspirations pour mon travail, bien sûr, car on ne se fait pas tout seul. Je n’ai rien inventé mais c’est une démarche totalement personnelle ! Tout fonctionne autour des « incidents » et j’ai voulu en faire un vrai langage, amener le spectateur à voir quelque chose de nouveau, à s’interroger sur ce que sont véritablement les coulures en tant que langage pictural. C’est un travail progressif.
Pour la petite histoire, je suis « tombé » sur les coulures par accident en faisant de l’alpinisme dans les Gorges du Verdon. Il y a là-bas des formations calcaires dues aux coulées d’eau, et cela forme des sculptures de coulées calcaires.
D’où l’idée d’une similitude en peinture. Un jour j’ai fait de même sur la toile et voilà c’était parti. La première série était plus basique parce que je ne réfléchissais pas vraiment au message et puis petit à petit c’est devenu une vraie recherche, un vrai langage.

Coulures 03S1 2006 116 x 73 cm
©Rodolphe Cosimi

- Art Côte d’Azur : Vous avez sélectionné diverses œuvres (toiles, œuvres papier, sculptures de la série 2 et 3…) qui s’articulent autour de ces ‘coulures’. Comment le choix s’est -il fait ?

- Rodolphe : Avec la configuration du restaurant, je ne pouvais pas tout exposer donc j’ai effectivement dû faire un choix. L’intérêt c’était de montrer mes œuvres dans une démarche particulière, donner la possibilité au public de voir le parcours de ces coulures, l’évolution de mon travail…

Vue du Restaurant Mirazur à Menton
DR

D’ailleurs pour l’instant il y a trois séries à voir, et puis il y en aura certainement plus, quatre, cinq, six (sourire).

J’ai donc sélectionné quelques œuvres de la série 2 et 3 ainsi que des sculptures qui s’associaient bien au lieu, à la lumière ambiante. En fonction de la luminosité du restaurant, qui propose un cadre exceptionnel, j’ai pu placer les tableaux de telle ou telle façon. Le rapport entre la peinture et la lumière, les mouvements également, avec le spectacle chorégraphié de Pascale Autrand, que l’on verra lors du vernissage le 5 Mars… Tout cela s’est inspiré des coulures, ces traces de peintures stoppées, figées. Et le choix s’est fait naturellement autour du lieu et des événements à venir.

- Art Côte d’Azur : Le vernissage du 5 Mars 2010 est un peu particulier puisqu’il sera placé sous le signe de l’association des arts, avec un spectacle de danse et de Tap Dance. Pourquoi une telle démarche ? Quel lien entretenez-vous avec les artistes qui seront présents sur place ?

- Rodolphe : Oui, c’est un vernissage qui sort des sentiers battus. Il y aura des animations autour de la danse et des coulures. Pour la chorégraphie, le spectacle « Deux » sera réalisé par deux danseurs professionnels, Pascale Autrand, (médaille d’or du Conservatoire de Paris) qui a déjà monté ce spectacle l’année dernière à New York, et Gildas Diquero de l’Opéra de Strasbourg, pour un pas de deux. Le travail sera donc d’associer les « coulures » à la danse contemporaine.
Pascale Autrand est la créatrice et chorégraphe du spectacle, elle a découvert mon travail sur internet, et m’a demandé si elle pouvait utiliser les visuels des coulures pour sa chorégraphie. J’ai ensuite réalisé les décors sur de grandes toiles de deux mètres par deux mètres. Sa chorégraphie est similaire à la libération picturale. Liberté de mouvement, de rythmes, cela veut dire coulées de peinture sur la toile. Il y a aussi un sens autour de la gravité, des mouvements ralentis. De la même manière, la série 3 est plutôt lourde, il y a donc un lien. C’est une belle expérience, ça marche plutôt pas mal.

Rodolphe Cosimi
©B.Goguillon ACA Mars 2010

Pour le plaisir, j’ai également invité mon frère Alexandre Cosimi, triple champion de France de Tap Dance (claquettes). Ces deux spectacles sont en étroite relation avec la peinture et les rythmes, les mouvements. Cela s’associe naturellement aux coulures, car le mouvement se fige d’un seul coup, ce qui est très similaire à mon travail. Liberté, temps, ce sont deux mots qui correspondent aux coulures.

- Art Côte d’Azur : Vous exposez dans un cadre prestigieux, celui du restaurant Le Mirazur du chef Mauro Colagreco. Comment s’est faite la rencontre entre l’artiste et le chef ?

- Rodolphe : La rencontre s’est faite par une connaissance commune. Le chef Mauro Colagreco a une ouverture sur l’art, et nous nous sommes tout de suite entendus. Évidemment, on pourrait penser que tout cela n’a pas grand-chose à voir mais comme je l’ai dit précédemment, il y a une relation entre art culinaire et art pictural. Les coulures de mets et les coulures de peintures se ressemblent. Et puis le cadre est exceptionnel, on ne voit pas ça ailleurs…. Mauro Colagreco donne également la possibilité chaque année à certains artistes d’exposer. C’est une chance qui n’arrive pas tous les jours pour ceux qui émergent.

- Art Côte d’Azur : Un don d’une de vos œuvres sera d’ailleurs fait au chef Colagreco pour le remercier.

- Rodolphe : C’est d’abord un plaisir d’offrir une toile à un ami. Et puis cela l’encouragera à persévérer si l’exposition se passe bien. Et surtout, je pense que c’est quelque chose de naturel de remercier une personne qui donne la possibilité d’exposer, étant donné que c’est rare aujourd’hui, surtout en France. À l’étranger c’est quelque chose qui se fait plus naturellement.

- Art Côte d’Azur : Par rapport à votre parcours à New York, par exemple ?

- Rodolphe : Oui, ce que fait Mauro Colagreco, aux USA c’est beaucoup plus courant.

Coulures 31 S1 2007 100x100 cm acrylique sur toile
©Rodolphe Cosimi

Ici en France on est très académiciens, on reste dans le droit chemin, et exposer dans un restaurant cela se voit moins, voilà. Je retourne à New York au mois de juin, et on va présenter le spectacle « Deux » pour la seconde fois. Le spectacle nous fera bouger, voyager, découvrir de nouveaux horizons, cela permet toujours de se faire connaître à l’étranger…

- Art Côte d’Azur : Après l’exposition, quels projets pour l’avenir ?

- Rodolphe : Et bien voilà, c’est cela, j’essaye de voyager un maximum, pour présenter mon travail, pour trouver d’autres ouvertures. C’est très important de s’ouvrir vers d’autres horizons, d’autres parties du monde…Aller en Italie, à Londres, à New York…Je veux présenter ma démarche « novatrice » dans le sens où les coulures ce n’est pas quelque chose de formel, il y a un langage, une recherche. J’essaye de faire connaître mon travail au maximum, surtout lorsque je voyage. Et puis rester toujours au même endroit ce n’est pas forcément ce qu’il y a de mieux, on a parfois envie de partir, parce qu’on se sent cloisonné là où l’on vit. Et puis on revient toujours (sourire).

Informations pratiques :

- Exposition du 5 mars au 27 juin 2010
- Restaurant le Mirazur à Menton

- Ouvert du mercredi au dimanche
30 Avenue Aristide Briand
06500 MENTON
- T 04 92 41 86 86

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