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Miryan Klein : Douce violence

Evénements liés à l'artiste

Miryan Klein à Milan

Pour célébrer cette évolution, la galerie a déjà présenté durant la Fuorisalone Milano Design Week une série d’œuvres de Miryan Klein au printemps 2014. Pour répondre aux demandes des visiteurs et des collectionneurs, une nouvelle exposition consacrée au travail de la même artiste est programmée du 15 octobre jusqu’à fin janvier 2015. Elle réunit une (...)

Fin : Janvier 2015 Voir l'événement

S’il est une artiste dont la sensibilité féminine affleure dans son travail, c’est Miryan Klein. L’artiste qui dénonce plus qu’elle ne se prononce a dressé en deux décennies une œuvre à facettes ainsi qu’un constat de nos comportements qui en fait une observatrice tendre et aigüe du vivant. La beauté de l’œuvre nous ferait « presque » oublier les perversités de notre monde. Sébastien Heine - Galerie Heine Strasbourg

D’origine marocaine et polonaise - « Harrissa/vodka » dit-elle en riant - Miryan partage sa vie entre le Nord et le Sud. Elle cultive le chaud et le froid, le dur et le tendre, le naturel et l’artificiel, le dit et le non-dit, le visible et l’imaginaire, l’engagement et le détachement. Une dualité dont elle se nourrit mais que ses œuvres ne laissent qu’entrapercevoir, car la créatrice fait toujours preuve d’harmonie même lorsqu’elle pointe les dysfonctions les plus perverses. Miryan Klein pose sur nos vies un regard à la manière de l’enfant qui épie le monde avec une infinie curiosité entre deux planches disjointes. Pudeur ou
élégance ? Pourquoi choisir semblent dire toutes ces œuvres.

Identification d’une femme

Miryan dans son atelier au Mont Boron (c) H.Lagarde

Miryan Klein est née le 5 août 1951 à Lyon. Autodidacte, elle est attirée par plusieurs formes d’expression (dessin, peinture, danse classique) avant de se tourner vers la peinture figurative et la sculpture. Elle expose des portraits en 1980 à Cannes (La Malmaison) puis disparaît de la scène, le temps de remplir son rôle de mère pour réapparaître une dizaine d’années plus tard : « C’est grâce à Lola Gassin que je me suis remise au travail et que j’ai accepté d’exposer en 1995 ».
Entre-temps Miryan a appris à canaliser son énergie en s’orientant vers l’abstraction. À Nice, elle trouve une complice auprès de Simone Dibo-Cohen. « En 1997 Simone m’a invitée à Art Jonction où j’ai rencontré ma galeriste belge, puis elle a présenté mes travaux à la Galerie Art 7. Les femmes ont beaucoup compté dans mon parcours » constate l’artiste qui dès 2001 est propulsée au niveau international en participant entre autres à l’Armory Show à New York (représentée par la Galerie Roger Pailhas, Marseille) puis en intégrant la Galerie Art Point International (Mol – Belgique). Courant 2010, le puissant groupe grec Copelouzos Group ouvre un musée dédié à l’art contemporain à Athènes. Le travail de Miryan Klein a déjà sa place dans la collection avec Les Arbres (2008) et sera présenté à l’ouverture.

Miryan Klein (c) H.Lagarde

Futur no futur

La foule 1995- 2011 (c) H.Lagarde

Si l’œuvre de Miryan Klein paraît plurielle, deux constantes s’en dégagent qui participent à la singularité de son style. La plupart de ses créations naissent d’une urgence à témoigner des déviances de nos sociétés avec une poésie, une opiniâtreté qui font fi de tout fatalisme. Peintures, sculptures, installations, pointent ainsi tous ces accidents communautaires que l’artiste n’a de cesse de redresser au profit de l’humain. Un ensemble d’installations, à l’approche du nouveau millénaire dénoncent ainsi la destruction de la nature, la pression économique, le racisme, la surpopulation, la perte d’identité. Mais chaque fois, sans agressivité, avec cette neutralité bienveillante qui préside aux psychanalyses. Son travail sur l’eau (Station d’Eau) installé au Jardin d’Acclimatation à Paris anticipait en 1998 une lourde problématique universelle : La source de vie restera-t-elle accessible à tous ? L’artiste aborda très tôt le Métissage de l’humain « un sujet qui me tient à cœur de par mes propres origines ». Quant à La Foule réalisée en béton puis en acier, elle ne cesse de s’agrandir au point « qu’une grande ville d’Égypte est en train d’étudier ma proposition de l’installer aux pieds des pyramides de Gyseh » commente l’artiste.

La consommation (c) M.Klein

À Nice, au Centre d’Art La Menuiserie, Miryan a démonté en avril 2010 sur l’invitation de Simone Dido-Cohen « la mécanique consumériste qui réduit l’homme à l’état de rouage d’un système insidieusement bien huilé ». En 2005 elle avait braqué l’objectif sur les dangers de ces flux d’images publicitaires qui échappent à tout contrôle et deviennent sources d’aliénation. La photo (voilée de papier bulle) montrait ainsi le dos décharné d’une jeune fille anorexique à la manière du « Violon d’Ingres » L’artiste elle-même, est à l’écoute des accidents dans son processus créatif, revendiquant une alchimie entre son inspiration et les supports qu’elle met en jeu. « Les Œuvres de Miryan Klein, écrit Jacques Aldebert, Président de l’association International Contemporary Art, ses objets, installations, toiles, nous renvoient toujours à une justesse conceptuelle que Restany n’aurait pas reniée ».

L’amazone qui danse

Lignes de vie (c) H.Lagarde

Car l’autre obsession de Miryan c’est sa soif de nouveaux matériaux. Sa faculté à les rendre, même lorsqu’ils sont issus de l’industrie (Béton, caoutchouc, résine, fibre optique), ludiques, organiques, doués d’intimité. Une expérimentation de la matière qui rejoint dans son travail l’expérimentation du vivant. Les deux s’épousant souvent dans des projets d’envergure tel que celui qui doit voir se déployer sur l’ensemble des boutiques Vuitton des photos de mains reliées entre elles par une chaîne symbolique construite autour des initiales LV (Ligne de Vie). Certains ont pu déceler dans cette interrogation de la matière une filiation avec les Nouveaux Réalistes. Pourtant Miryan Klein ne procède à aucune appropriation de l’objet manufacturé. Elle ne transgresse pas, mais transmute. Cette recherche plastique qui vise à l’instauration d’un langage plus qu’à la délivrance d’un message rapprocherait davantage ses travaux de l’Arte Povera : Un groupe d’artistes italiens qui, dès les années 60, créa des installations abstraites dans le but de défier la société de consommation, selon une esthétique pensée sur le mode de la guérilla. Car derrière son apparente douceur, Miryan est une amazone qui danse sur un volcan. Une posture que suggère en deux clichés « L’autoportrait aux chaussures ». Sur l’un, Miryan est en talons, sur l’autre en crampons, mais toujours repliée sur elle, faisant face à l’objectif, tête baissée, cheveux en bataille, égérie/bélier prête à bouter l’envahisseur ?

Autoportrait aux chaussures (c) Courtesy Miryan Klein

Comme les avant-gardistes de l’Arte Povera, Miryan détourne les matériaux dits pauvres, empruntés à l’industrie, y compris le néon qu’elle convoqua en 2002 pour dépoussiérer « Le déjeuner sur l’herbe ».

Déjeuner sur l’herbe aux néons 2004 - 2011 (C) Courtesy M.Klein

Une œuvre qui 7 ans plus tard fut choisie par le Ministère de l’Éducation Nationale, afin d’illustrer le sujet du Baccalauréat en arts plastiques autour de l’œuvre emblématique de Manet. Ses « no-painting » substituent alors au pigment la fée électrique afin de révéler une « peinture de lumière ». La fibre optique, s’allie elle, à la peinture offrant un nouveau médium dans lequel se fondent les frontières entre pictural et installation, entre l’art classique et le discours duchampien.

Impressionisme post-atomique ?

Le vilon d’Ingres II 2009 (c) H.Lagarde

Plus généralement, les créations mutantes de Miryan semblent mettre à jour par la sensualité d’une technique mixte dont elle détient le secret, une trame poétique complexe. L’artiste agit par gommage du temps comme pour s’adonner à la jouissance de l’espace, à la toute puissance du présent. Sa réflexion sur la dialectique entre la nature et la culture, autre point commun avec l’Arte Povera, procède de même. En effet à ses constats sur la condition humaine répondent des séries plus intimes, fruits d’une introspection personnelle qui permet à l’artiste de se ressourcer avant d’investir à nouveau le théâtre conflictuel du réel.

Là une déclinaison saisonnière de nymphéas recouverts de papier bulle coulé sous glacis teinté, comme une « rosée plastique » : Impressionisme post-atomique ? Ici encore dans une série proche de l’abstraction, des coulures de résine comme du miel nappent les alvéoles d’une peinture/ ruche. Miryan se promène dans La Forêt, (installation présentée à la Biennale de L’UMAM 2010 au Château de Cagnes-sur-Mer) et, comme Alice génère à son passage les métamorphoses, Miryan, après le sien, extrait de la nature toute l’essence organique. Une nature qui se perçoit plus qu’elle ne se voit. Ainsi partout il est dit que l’énergie doit circuler. Et partout où ce flux vital est contraint, l’artiste s’immisce, soigne et s’efface… Gardienne du feu, Miryan Klein veille sur les siens (qu’elle inclut parfois dans ses œuvres) et sur une famille plus étendue : l’humanité.

Les arbres (c) H.Lagarde

Kamasutra

Son dernier travail présenté en février à Bruxelles (Galerie Art Point) bientôt à Monaco (Art & Rapy) convoque d’ailleurs en tant que modèles quelques proches pour une relecture du… Kamasutra. La libido, une autre énergie en péril ? Mis bout à bout, des pièces puzzle apparaît le fil de vie. L’œuvre aussi séduisante soit-elle formellement, fait sens au-delà de la monstration, continuant d’opérer dans notre imaginaire comme la vigie d’un monde qui se cherche, éclairant de son pinceau lumineux la possibilité d’une île ! Le verbe rêver n’a presque pas de « présent » disait Paul Valéry. Et si ce « presque pas » était précisément le territoire de Miryan Klein ?

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