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Lucie Bitunjac ou l’abstraction géométrique (2/3)

Son travail

Installations et projets d’architectures : les peintures et les dessins de Lucie Bitunjac renouent avec les représentations du quattrocento, tout en allant au delà de la perspective traditionnelle dans leur fonctionnement et leur mise en situation.

Lucie Bitunjac, Chrome, 1993
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Les formes se déploient à la fois dans la continuité et dans un espace clos qui semble se refermer sur lui-même, mais aussi pour mieux absorber l’environnement qui les entoure…Les remparts, qui paraissent constituer à l’évidence, l’élément le plus perceptible et récurrent dans les installations de Lucie Bitunjac, ont pour vocation de déterminer une dualité immédiate intérieur / extérieur. Or, ici la fusion s’opère entre les deux lieux, sans privilégier l’un ou l’autre…l’opacité d’une hypothétique frontière se transforme en transparence, en translucidité grâce au jeu subtil des gris colorés, des nuances incertaines et des multiples variations de chaud et de froid.

Lucie Bitunjac, Objets-rencontres – Ivan, 1994
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Qui dit rempart dit aussi protection… Mais celle-ci ne souhaite pas revendiquer une efficacité parfaite, bien au contraire ; les décalages de plans ou les emboîtements qui font disjoncter les structures géométriques permettent d’animer les multiples aplats tels des fragments d’arlequins se mouvant dans l’espace cubiste qui contredit celui traditionnel de la Renaissance.

Lucie Bitunjac, "Noir/ blanc", Gravure originale sur zinc 1995
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Mais nous sommes bien dans la contemporanéité devant des œuvres qui jouent à brouiller les références tout en les mettant en évidence ; le propos reste fondamentalement pictural, avec les jeux de passage de lumières, de valeurs voisines et opposées, et enfin de géométrie qui renvoie forcément à toute une tradition de la peinture qui est loin de s’achever.

Lucie Bitunjac,, BabelL céramique, 2008. Sculpture en terre blanche émaillée.
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« Ce fragment d’un texte d’Hubert Damisch s’appliquerait parfaitement a ? cet e ?tat d’œuvre :

« Encore ce paysage n’est-il pas celui, sans jeu ni faille, astreint à ? la fiction d’une ligne d’horizon alé ?atoire et d’un point de fuite choisi arbitrairement que construit la perspective, image dont les e ?le ?ments s’ajusteraient exactement, a ? la façon des pie ?ces d’un travail de marqueterie, jusqu’a ? recouvrir la surface entie ?re ; image cependant menace ?e, de ?s le principe, de de ?perdition, travaille ?e par un manque, un de ?faut que ne suffit pas a ? colmater le point qui en verrouille la bre ?che ; image construite a ? partir d’un trou, ou pour mieux dire de sa protection spe ?culaire, cicatrice qui assure la suture du fini et de l’infini, correspondant a ? la position du sujet dans le mode ?le the ?orique de la boite optique (...) . ».
Il s’appliquerait d’autant mieux au travail actuel de Lucie Bitunjac, que celui-ci, enfin rable ?, ramasse ?, compacte ?, de ?limite ?, isole chaque ville sur un seul support, conse ?quent en taille et en de ?coupe. De ?toure ?, perce ?, anime ?, colore ?, mais toujours sans aucune figure pouvant servir d’e ?talon ou d’e ?chelle. Rien ni personne. Les cite ?s, ainsi, sans être ide ?ales, sont a ? la fois insistantes et restreintes. Le resserrement de leurs bâtis leur donne la masse ne ?cessaire pour être immenses, leur facture pre ?cise les rame ?ne impitoyablement au format tableau. Sans cela, pas de re ?fe ?rence possible a ? cette histoire de l’art dont l’artiste se nourrit, pas de possibilite ? de flânerie imaginaire dans ses constructions rhizomatiques et inquie ?tes issues pourtant d’une Italie fantasque.
C’est dans les dernie ?res bâtisses en date, faites de terre et de peinture que les envies et les buts actuels se de ?noncent. Ni volume ni objet, ces quelques ce ?ramiques interrogent la nature ambiguë des rapports entre sculpture et peinture qui conditionnent la cre ?ation de Lucie Bitunjac. Une cre ?ation a ? la recherche d’un e ?quilibre un peu funambulesque, sans crainte de la chute, toujours sur un fil qui peut être une ligne, une coupure ou l’e ?mail scintillant d’un engobe ou d’un vernis. »

Francois Bazzoli

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