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Jérémy Taburchi, liberté et spontanéité !

A douze ans, il tenait son premier ordinateur entre les mains. Un univers visuel qui l’a forcément marqué. Plus tard viennent les premiers essais de celui qui allait devenir son personnage star : la chat rose. « Je m’essayais alors à l’utilisation de la tablette et c’est plus compliqué que de tenir un crayon ! Même si le gros avantage, c’est de pouvoir faire contrôle Z quand tu n’es pas content de ce que tu as fait. » Déjà coutumier des encres de Chine et de la peinture à l’huile, Jérémy Taburchi s’amuse ensuite à peindre son chat méchant, en 2004. D’abord à l’acrylique sur des grandes toiles, le personnage est ensuite invité à paraître dans un magazine tous les quinze jours sous la forme de petites bandes dessinées de deux à trois cases, des strips. Le chat en train de faire une overdose, c’était un essai. Graphiquement amusant, et novateur. Et c’est de là que tout est parti.
Mais pour sa « vraie » première toile, l’artiste était pourtant loin de cet univers. Passionné par l’esprit et la sobriété du pop-art, il peint son premier portrait en 2004, celui de Gandhi. « J’ai eu des premières commandes mais cet argent facile ne me satisfaisait pas car ce n’était pas très créatif. » Rapidement, le monde de l’infographie oriente ses créations, dans un style coloré et vivant, inspiré tant par l’actualité que par son monde intérieur.

Essai transformé

Il tente alors de concilier ces deux aspects en utilisant des techniques surréalistes d’écriture et de dessins spontanés. « Des automatismes psychiques, comme disait André Breton. Si les toiles sont surréalistes dans leur conception, elles donnent une place plus importante au verbe qu’au symbole. » Jusque sur la tranche, où Jérémy laisse s’exprimer son humeur du moment. Ecologie, crise financière, les grands thèmes qui font les titres des journaux d’aujourd’hui, il les exploite déjà. Jusqu’aux insultes.
« ça défoule !
Avec ce style, je ne triche pas, je n’ai pas d’impératif, je suis authentique dans ce que j’écris. Sans compromis. J’étais sans doute plus libre à l’époque de ces toiles, car je n’envisageais pas qu’une carrière artistique puisse être possible. Même si j’ai eu envie de réaliser une série, histoire de voir ce que donnait l‘ensemble, dans une certaine homogénéité graphique. »
Des essais, toujours.

Avec le chat, l’essai est transformé.
Acide, corrosive, sadique, manipulatrice, égoïste, la sale bête n’en est pas moins touchante : elle dénonce sans relâche les injustices dans lesquelles la société la plonge. C’est le cas dans la bande dessinée sortie en 2009 aux éditions Baie des anges, « Le chat qui dérape ».
En attendant celle qui sera publiée en octobre prochain, avec Nice comme toile de fond du scénario, « une matière comestible que l’on peut tordre à merci », indique l’artiste qui y est né. Pour autant, le chat rose ne délivre pas de message général. « Le message ? Il existe toile par toile. Les petits formats naissent d’une bonne idée graphique, d’un concept ou d’une émotion. » En toute simplicité. Comme lorsqu’on voit le chat baver devant un petit oiseau dans une assiette. « Je devais avoir un peu la dalle à ce moment-là ! » Les formats plus grands, quant à eux, sont plus méditatifs. « Il me faut plus de place quand j’ai plus de choses à dire. »
Là encore, avec une petite phrase qui court sur la tranche, histoire de rehausser le graphisme. « Le chat rose, c’est moi. Nous évoluons de la même façon. Et ces derniers temps, il s’est un peu assagi… »

Remuer le milieu

Au total, le chat rose compte une soixantaine de productions. Même si certaines sont parfois détruites pour donner naissance à d’autres. Car Jérémy Taburchi est un adepte du recyclage. Et des moyens du bord. Il n’a plus de toile ? Il peint sur un tapis ! Pas de pinceau ? Il peint son autoportrait à l’aide d’une carte de visite… Silicone, plâtre, Jérémy Taburchi s’adonne aussi aux essais de matières. En témoignent les créations hétéroclites et les taches de peinture qui jalonnent les murs et le sol de son petit atelier situé non loin de Monaco…
Créatif et novateur, Jérémy l’est tout autant dans son approche du milieu de l’art, qu’il veut rationnelle et commerciale. « Je voudrais remuer ce milieu et le débarrasser de ses tendances conceptuelles qui ne m’intéressent pas. Je ne comprends pas les artistes maudits, dépressifs, qui s’enterrent au fond de leur atelier et qui se plaignent. Pour moi, la création doit être solaire, elle est synonyme de joie et de bonheur. » Tout comme sa conception de la communication, pour laquelle il exploite les réseaux sociaux, comme les réseaux tout court. « Il faut être créatif dans sa relation aux médias, assure-t-il. Et la bande dessinée est un bon outil pour ça. » Ce jeune artiste qui a découvert l’art au MAMAC, « pour moi c’est ça l’art contemporain, ce goût de la liberté, cette évasion vis-à-vis de la technique », est depuis quelques mois exposé à la galerie Ferrero, à Nice. Pour le gamin qui ouvrait grand les yeux en passant devant cette institution, c’est une véritable preuve de confiance et de reconnaissance.

« Du bonheur, tout simplement. »

Plus d’infos sur l’artiste :

www.taburchi.com
www.galerieferrero.com

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