Jean-Claude Meynard… ou une certaine approche de la complexité (2/3)
En 1993, Jean Claude Meynard prend connaissance de la théorie des fractales , une nouvelle classe d’objets mathématiques inventée par Benoît Mandelbrot, un mathématicien franco-américain. Cette théorie le conforte et le réconforte dans son approche volontariste de la complexité où l’Homme risque de se perdre.
L’artiste reprend dans son travail certains des principes fractaux. A travers ceux d’expansion, de saturation, d’entrelacs et de réseaux à l’infini, il réalise une première présentation Tohu Bohu (1994) qu’il expose à la galerie de l’Etoile à Paris.
Ensuite, dans une autre série intitulée Scribes et pharaons (1994), sa peinture se dépossède peu à peu de tout anthropomorphisme. Les silhouettes deviennent une composition fragmentée constituée d’un entrelacs de structures. Ses tableaux deviennent puzzle ; et l’Homme, une sorte de rébus visuel dont le décodage est « ludique » mais d’abord métaphysique : « Et si l’homme n’était finalement qu’un accident de la matière ? » déclare-t-il.
- Jean-Claude Meynard, Clone 1, peinture acrylique et collages
- Collection Mesnage-Augier (visible à l’hôtel Négresco à Nice)
- Jean-Claude Meynard, Le Déjeuner sur l’Herbe, 208 cm X 264 cm - 1994
- Cette toile est une commande passée en 1994 par un collectionneur privé à des artistes de renommée. Ces artistes devaient se réapproprier le tableau mythique d’Edouard Manet en réalisant à leur tour un tableau aux mêmes dimensions.
« Classiquement on décrypte le monde à travers le regard d’Euclide, en utilisant des notions de plan, de droite, de surface, longueur, largeur, hauteur… Cette géométrie euclidienne est liée au monde simple de l’époque grecque dans laquelle elle prit naissance 300 ans avant J.C : un monde organisé autour d’une mer unique, la Méditerranée, sur laquelle un homme comme Ulysse pourra naviguer pendant 10 ans sans jamais être repéré…
Aujourd’hui les seuls paramètres d’Euclide sont insuffisants pour déchiffrer la complexité du monde : son expansion, sa mondialisation, ses systèmes proliférants, ses saturations, son chaos, ses effets papillon, ses puzzles et recompositions…
Le monde actuel vit selon d’autres dimensions et les plasticiens fractals, comme les cubistes à leur époque, travaillent à la représentation de cette nouvelle réalité. En étudiant leurs œuvres (peintures, sculptures, créations numériques, installations, etc) des constantes apparaissent dont la plus significative est une représentation démultipliée du réel, un réel infiniment répété, comme cloné mais à des échelles différentes sans que jamais aucune figure ne perde son identité… l’artiste fractal figure ainsi les nouvelles dimensions du monde : un monde qui a perdu son centre, un monde qui se réplique, se clone, se décompose et recompose, et dont il travaille à apprivoiser la réinvention. »
Interview Jean Claude Meynard
Cette démarche est « homologuée » en 1997 aux côtés de Miguel Chevalier, Carlos Ginzburg, Pascal Dombis, et Joseph Nechvatal ; il devient l’un des co-signataires du Manifeste Fractaliste, qui est publié dans la revue Art Press (N°229). Il concrétise cette exploration par des œuvres en reliefs et en volumes.
« le regard se diffracte en une immensité cristalline d’Altuglas et de miroir qui fait sculpture, réfraction et image. Entre tableau et sculpture, la surface est devenue l’interface d’un monde hétérogène, chaotique et ordonné ».
Christine Buci-Glucksmann, Le Temps fractal, juin 2000
- Bertrand Rieger, Portrait de Jean-Claude Meynard
- catalogue Fractalisations édité par le Centre d’Art Villa Tamaris
- Jean-Claude Meynard, Le Cube, impression numérique sous plexiglas, 2003
A travers cette approche désormais en totalité fractale, les œuvres se diversifient et se multiplient. Pour l’exposition Les Infinis avec Joël Stein à Paris à la galerie Lavignes-Bastille, Jean Claude Meynard prend son propre visage comme modèle et en fait un traitement fractal. Ensuite, il enchaine et multiplie ses univers, en présentant une double exposition au musée et à la Maison des Arts d’Evreux.
http://www.youtube.com/watch?v=bt_c...
“ Jean-Claude Meynard a toujours eu une grande constante dans son travail... qu’il soit dans l’extrême figuration de l’hyperréalisme ou qu’il soit dans le Fractal avec cette multiplication du même individu, il parle toujours de la présence de l’homme dans la société et dans le monde [...].”
Alain Lamaignère, Fondateur d’Art Paris
En 2006, à la galerie Maretti Arte Monaco, ses tableaux sont encore plus démultipliés, sous forme de sérigraphies présentées sur tous les murs jusqu’à « envahir » les espaces environnants.
’« entrer dans l’univers fractal de Jean Claude Meynard piège nos certitudes. Ces images illusoires et cependant bien réelles des composantes géométriques sont orchestrées (…). Les œuvres de JC Meynard nous font vivre l’espace physiquement. Sous la pression d’une fragmentation géométrique, une chorégraphie de plis, spirales, droites, diagonales et courbes, nous emporte dans un mouvement giratoire dont l’issue est le vertige de l’espace-temps »
Lydia Harambourg, Gazette de l’Hôtel Drouot, décembre 2006
Œuvres de références
Le Déjeuner sur l’Herbe – hommage à Manet – acrylique sur toile – 2mx3m - 1994
La Maison Fractale – relief 2m, 40 x 2m40 x 0,50 impression numérique sous plexiglas – 2005
Babel -Itinéraires- 2008-2009-2010
World - Sculpture sphère fractale, 2m80 x 2m80 - 2010
L’Escalier Fractal - demeure fractale - 2011
A partir de 2006, Jean Claude Meynard entreprend de grandes installations, en investissant la totalité d’un lieu. Désormais nommées Demeures Fractales… Il relie les formes et enchaîne les plans, les espaces et les perspectives. Une déstructuration organisée en émerge, dans laquelle l’artiste dispose des tableaux, des sculptures, des reliefs et même des architectures numériques. Divers imaginaires se font alors échos, tout en faisant échos à l’ensemble.
« Jean-Claude Meynard a passé trois mois à installer ses œuvres autour et dans le fameux escalier, sur les plafonds, par terre mais aussi au sous-sol (…) le bâtiment lui-même se transformant peu à peu en une brillante œuvre d’art , pièce unique que l’on ne reverra jamais. »
Pierre Paulicevich, à propos de la Demeure Fractale de Brignoles
En 2010, c’est autour d’une de ses Babel, dont l’une est intitulée la sphère monumentale World (4), qu’est organisée à la Villa Tamaris dans le Var, une exposition regroupant 35 années de créations de l’artiste.
« World est un peu une boussole, c’est un peu une terre, un globe [...]. Le Fractal, c’est une expérience d’une telle désintégration, reconstitution, que là, chaque œuvre est à la fois dans la même histoire et en même temps sans cesse en train d’être refaite. »
Jean-Pierre Frimbois, Directeur du magazine Art Actuel
« La sculpture World appartient à un cycle que j’ai nommé le cycle des Babels. Conçues en 2007, les Babels s’appuient sur une matrice constituée d’un fractal de silhouettes humaines solidaires, qui répliqué, multiplié, forme graphiquement les signes d’une écriture. Les hommes deviennent ainsi des phrases infinies.
La Babel légendaire montrait des hommes désunis par les langues. La mienne présente les hommes comme une chaine d’humanité appartenant aux mêmes signes. Elle est un symbole de concorde et de réconciliation ».
Interview Jean Claude Meynard
- Jean-Claude Meynard, le Monde de Babel
- Grand Palais, ArtParis, Galerie Riff Art Projects, 2010
Ces ensembles fractalisés sont désormais accomplis dans une nouvelle série : les Hybrides, ils se veulent tous révélateurs d’un des principes du Manifeste fractaliste : « Dans la spirale ordre-désordre, l’œuvre est l’émergence éphémère d’une hybridation : un passage ».
« le nec plus ultra de l’exposition réside dans la suggestion d’hybridations que Meynard propose aux spectateurs, et à lui-même, comme une troisième étape possible dans sa création. La forme extrêmement minutieuse de la représentation qu’il a faite dans ses tableaux hyperréalistes pourrait ainsi se greffer comme un « morphing » sur l’iconicité abstraite, géométrique de ses œuvres fractales. Je suis sûr que Meynard va tenter l’expérience. »
Giancarlo Pagliasso, La Trame de la Complexité, Revue Zeta, Campanotto Editore, italie, janvier 2011
Principales Demeures Fractales
Les Corps Fractals à la Galerie Maretti, Monaco - Décembre 2006 /janvier 2007
Le Monde de Babel, Galerie Riff Arts Projects - Paris, décembre 2009
Le Monde de Babel, au Grand Palais - Art Paris, Riff Arts Projects - Paris, mars 2010
Escalier Fractal ou l’Utopie en Marches, Palais des Comtes de la Ville de Brignoles, juillet/août 2011
http://www.youtube.com/watch?v=MhSw...
Demeure Fractale à la Maison des Comtes, Sauve, août/septembre 2012
- Jean-Claude Meynard, Babel, Utopie en Marches
- Installation fractale au Palais des Comtes de Provence, 2011
- Jean-Claude Meynard, Bus, Valbonne, 2012
(4) Actuellement, cette sculpture est installée à Valbonne. Pour en savoir plus :
http://axelduris.wordpress.com/2012...
ainsi que cette présente analyse…
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