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Jacques Parnel, Un monde parfait

Jacques Parnel est né à Chavillle en 1946. Comme beaucoup de « « baby boomer » créatifs il s’est tourné vers la publicité à une époque où Donald Knuth classait l’informatique « entre la plomberie et le dépannage automobile ».

(c) H.Lagarde

Autant dire que notre graphiste dut suer sang et eau sur les pages blanches. Après avoir fait une école d’art graphique à Paris, Jacques intègre en 1967 la SNIP, une grande agence publicitaire parisienne où il restera cinq ans avant de se mettre à son compte : « Bon nombre de directeurs artistiques sont passés par là, alors quand ils ont ouvert leur boite de pub, ils ont fait appel à moi ».

Car la fin des seventies marque l’âge d’or du genre et voit des personnalités comme Étienne Chatiliez ou Jacques Ségala inventer la culture Pub. Jacques ne chôme pas, réalisant en free lance de nombreuses campagnes pour les grandes marques de l’alimentaire (Rungis), du cosmétique (ROC), et de l’automobile (Renault). Des campagnes où le dessin se partage la vedette avec la photo. En 1978 il décide pourtant de se délocaliser à Biot. Travailler en province quand tout se passe encore à Paname, un pur moment de rock ‘n roll ? « Je fus un pionnier mais cela s’est bien passé grâce à mon carnet d’adresses et à un agent dans la capitale ». Ainsi l’illustrateur continue au soleil d’honorer les commandes de grandes agences, tout en démarchant les entreprises locales. « La seule difficulté était technique : Sans internet, ni fax, ni courrier express tout passait par la poste et la gare ».

L’homme qui venait d’ailleurs

Jacques Parnel (c) H.Lagarde

Et 30 ans plus tard les choses n’ont guère changé ! Certes l’illustrateur a recours à Internet pour communiquer et possède un PC dans son atelier, mais il ne s’en sert qu’avec parcimonie. Car Jacques est devenu un artiste illustrateur qui revendique toujours le travail pictural à l’ancienne. Et même si ses publicités comme le visage craquelé pour ROC ont fait le tour du monde dans les années 90, face à la déferlante du numérique le dessin publicitaire a dû battre en retraite. Les commandes se faisant plus rares, Jacques développe à la fin des années 90 ce qu’il a toujours fait depuis sa plus tendre enfance : l’illustration d’art. Un art qui emprunte à la Bande dessinée, à la peinture mais également à la publicité, chassez le naturel… : « Mes sources d’inspiration vont de Magritte à Hergé via les réclames et le graphisme de revues comme Life. J’adore ce style aujourd’hui désuet mais qui permettait d’exprimer une seule idée avec une conviction redoutable. Je suis un fan absolu de National Geographic. Je suis tombé sur une pile chez un brocanteur, qui me sert encore de base de travail ». Car en bon artisan Jacques n’a pas renoncé à ce qu’il apprit à la Rue Corvisart. « Sur le plan de l’expression, l’outil ordinateur ne m’a rien apporté. Je fais de la résistance en continuant en 2011 à produire à la main. La préparation de photos, le montage, se font sur photocopies. Quand à la retouche photo à la gouache elle me sert encore beaucoup car je peins souvent à partir de tirages sur toiles. C’est fastidieux mais le plaisir est toujours là ! ».

Retour vers le futur

(c) H.Lagarde

Jacques Parnel vient-il du passé ? Toujours est-il que le style graphique qui fit les beaux jours de la propagande et du consumérisme triomphant se retrouve dans ses œuvres. « Les années 50, l’American way of life, c’est mon fond de commerce » avoue l’illustrateur qui a commencé par une série sur des soucoupes volantes. L’envahisseur, un thème cher à l’Amérique maccarthiste. Une époque dans laquelle Jacques puise allégrement, du cinéma d’Hitchcock aux films de Drive Inn en passant par les séries TV comme la Quatrième dimension, sans oublier côté cimaises, des maîtres de la figuration comme Norman Rockwell ou Edward Hopper. Des influences qui ont nourri ses commandes comme aujourd’hui ses peintures (vendues via des galeries virtuelles comme celle de Michel Champetier). Il est d’ailleurs parfois difficile de distinguer les unes des autres. Seule la présence d’un logo ou d’un slogan fait la différence. Ainsi cette illustration pour EDF qui met en scène une famille dans un décor rétro-futuriste digne d’un épisode des « Thunderbird » ou, cette publicité presse pour la chaine « SCI FI » où un père noël fait un constat d’accident avec des martiens après que son traineau ait percuté une soucoupe volante.

Même topo pour cette campagne d’affichage Leroy Merlin qui décline des maisons insensées. L’architecture est d’ailleurs devenue l’un de ses thèmes de prédilection après qu’il eût réalisé des maquettes pour des architectes. Une maison cubique qui tient par miracle au bord d’un ravin seulement parce qu’un énorme rocher tombé dessus fait contre poids… ça fait sourire, puis réfléchir.

(c) H.Lagarde

Notre société ne tiendrait-elle qu’à un fil ? En tous cas si Jacques Parnel s’est longtemps servi des armes de la société de consommation, il prend désormais un malin plaisir à les détourner pour poser sur nos modes de vie un regard aussi tendre que caustique. Aujourd’hui dans son atelier biotois, Jacques imagine des mondes improbables, jongle avec les paradoxes répondant encore parfois à des commandes comme ce portrait de France Gall dans l’esprit hyperréaliste pour un coffret Hommage. Mais son dernier travail le rapproche une fois de plus de l’architecture. « Voici les plans d’un cinéma futuriste et écologique. C’est une capsule designée comme une station spatiale autonome. Elle est alimentée par des panneaux solaires et des modules ludiques : Vélos, roues, rameurs mus par les spectateurs qui, avant d’entrer dans le dôme doivent fournir l’énergie nécessaire pour y voir un film d’une dizaine de minutes ».

Halo V2 (c) H.Lagarde

Cosigné avec Keïko Courdy le concept « HALO V2 » en recherche de financement vient de trouver preneur en Belgique. Le Centre d’Art Numérique de Mons (CECM) a commandé un projet similaire pour 2011. Étonnant non ?? Mais ne dit-on pas que la réalité dépasse la fiction ? Et si Jacques Parnel avait fini par rentrer dans un de ses univers parallèles, dans la quatrième dimension ? À suivre...

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