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Hierro monte le volume !

L’origine de la seconde vague de l’art contemporain qui vit disparaître les frontières entre disciplines prend sa source dans les années 70 et 80. Jean-Antoine Hierro, enfant de ces années de liberté d’expression - qui virent l’émergence via le Pop art et l’École de Nice d’une autre façon de concevoir l’art plastique - a souhaité cristalliser son propre parcours au travers d’une exposition « tribute ».

C’est en partant du thème de la robe, « un cheval de Troie qui lui sert depuis trois ans à canaliser son travail », que l’artiste a posé les bases d’un événement pluridisciplinaire mettant en interaction la sculpture et la peinture avec la photo, la vidéo et la musique. Cette fois la robe réduite à sa plus simple expression, une pyramide, un cœur, sert de catalyse à des expérimentations esthétiques où l’artiste donne à son imaginaire toute sa mesure. Troisième acte en trois dimensions d’une trilogie, « Pump Up The Volume » fait sortir le volume de ses gonds !

De la peinture au design

Originaire de Casablanca, où il vit le jour en 1960, Hierro arrive à Nice à treize ans. Quatre ans plus tard il y fait sa première exposition. « Autodidacte, j’ai commencé à peindre et à dessiner très jeune influencé par Goya, Le Caravage et les grands maîtres de la BD de Moebius à Bilal » C’est lors de son premier vernissage à Saint Paul de Vence que Jean-Antoine rencontre et signe un contrat avec un marchand d’art allemand : « j’ai exposé très vite à Vienne, Chicago... ». En 1998 le créateur aventurier décide d’investir l’univers du design. Il réunit son équipe d’architectes, décorateurs et ouvre une agence dans le quartier des antiquaires à Nice.

Là encore Jean-Antoine voit son engagement aboutir en lançant sa griffe « Hierro Desvilles » puis en travaillant pour la grande maison italienne « Colombo stile ». Son nom s’impose sur le marché du design jusqu’à aujourd’hui où il connait un nouveau boom médiatique : « Michael Jackson m’avait commandé quelques meubles pour sa maison de Londres, des meubles que l’on s’arrache aujourd’hui aux enchères ».

L’important, c’est la robe !

Parallèlement l’homme poursuit sa quête artistique cherchant à sortir du figuratif. Une piste s’ouvre alors qu’il planche sur la mise en scène de « Madre » : « j’avais écrit en 2008 un opéra Flamenco avec le compositeur Pierre Bertrand à l’origine de musique de films et qui signa des arrangements pour Claude Nougaro, Charles Aznavour, Pascal Obispo et Murray Head. J’avais créé au Théâtre de la Danse à Paris de grandes robes suspendues par des chaînes. En pensant cet accessoire féminin en terme d’architecture, de matrice, j’ai décidé d’explorer l’idée jusqu’à l’épuiser ».
Sa première exposition à la Galerie Ferrero s’attache ainsi à défricher picturalement le support. Un support qu’il exploite l’été dernier en très grands formats au Château Grimaldi à Cagnes sur Mer. Ce travail lui a permis d’intégrer récemment l’enseigne internationale « Opera gallery » installée depuis deux ans à Monaco. C’est encore de cette forme réduite à sa plus simple expression que naîtra la base de son travail pour « Pump Up The Volume » Pièces montées, pièces détachées Après avoir décliné la forme dans toutes les matières, Jean-Antoine a l’idée de s’en servir de gabarit pour façonner d’étranges sculptures en pyramides. « La robe a disparu pour devenir un message subliminal ? ».

La forme est travaillée comme une pièce montée en empilant étages par étages des figurines soudées par des coulures de peinture. Mais une fois dévalisé le rayon jouet du magasin Comtesso à Nice le plus dur restait à faire. « Ce jeu de mikado fit appel à tout ce que j’avais appris et s’avéra un exercice d’équilibre à tout point de vue. Dans l’art conceptuel quand une œuvre est mal pensée elle perd son sens. Là c’est matériellement qu’elle pouvait se cassait la gueule ».
Ainsi à force de réflexion et de patience naquirent ces sculptures/peintures/accumulations évoquant un univers en prise avec l’actualité comme la série « Obama » composé de zèbres, où le noir et blanc renvoient à la manipulation médias/politique. Ou encore « The bad smell of human being » qui dénonce avec son amoncellement d’Action man « les dangers qu’il peut y avoir à laisser l’homme régner en maître absolu sur la planète ».

Live show et Art performatif

Souhaitant offrir plusieurs niveaux de lecture, Jean-Antoine réalisera ensuite des clichés en zoomant à l’intérieur de l’œuvre : « Il y a des détails, des coulures que j’adore, ces petits accidents j’ai souhaité les agrandir pour que l’on voit de près le travail d’atelier et la sensualité de la peinture ». Une matière qui lui est chère au point que l’artiste s’offre avant le vernissage une performance.
« Chaque photo sera placée en résonance de sa sculpture. Puis je pratiquerai des projections de peintures sur tous les murs où sont accrochées les photos. Les tirages N° 1 devenant ainsi des objets performatifs ».

Mais ce n’est pas la seule dimension que l’artiste proposera. Une vidéo tournant en boucle sur grand écran présentera en une séquence « morphing » le work in progress sur un remix du hit éponyme. « Pump Up The Volume, c’est le volume qui explose ! Il y a un côté fun qui renvoie au « flower power » et au glamour débridé des eighties. Il me semblait qu’à cinquante ans il fallait transmettre cet ultime vent de folie à la nouvelle génération qui, elle, n’a hérité que d’une maigre partie de l’histoire ». Car Hierro se revendique comme un passeur : « Je suis un voleur de poules, un amoureux des artistes. Picasso a pillé l’art primitif, moi, avec mes coulures, mes accumulations, je rends hommage à Arman, Hartung et quelques autres. L’enjeu c’est d’arriver à faire oublier ces influences. Y suis-je parvenu ? C’est en tous les cas, la première exposition où je ne parle pas de moi. Elle m’échappe et c’est intéressant ! ».

« Pump Up The Volume » un dérapage contrôlé à découvrir jusqu’au 31 mai à la Galerie Ferrero.

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