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« En ce temps-là, l’Ecole de Nice… »

Ecole de Nice et héroïsme ?

Bon, ce début d’étude sur un rapport à Duchamp et au fait que tout ce qui est signé comme art le devienne, surtout si c’est un art engagé vers une révolte contre le totalitarisme, peut aussi servir pour Serge III, qui n’a pas non plus ménagé les Institutions, au prix d’un certain masochisme, lui aussi… le côté sacrificiel, et presque immolation…Mais pour répondre à Pierre sur un mode qu’il n’aimera peut-être pas, héroïsme et égoïsme font une jolie allitération…puisqu’il paraît que j’ai parlé de son ego… je ne me souviens pas… l’ego, c’est plutôt la baleine blanche de Ben, non ?
Mais revenons au fait que Pierre Pinoncelli était là en 1997 pour le vernissage de l’Ecole de Nice, avec son masque de mort, qu’il porta aussi au Musée Rétif en juin 2010. En 1987, dans le clip, Albert Chubac trouve que, « vingt après », ce qui avait commencé dans la spontanéité et une sorte de « sans but » assez zen, quand on connaît Albert, avait pris forme, et que ça tenait le coup. A quoi Sosno répondait que, oui, il y avait une « fécondité » de l’Ecole de Nice ».
Et si, dans le catalogue de 1997, puisque l’exposition prétendait mettre un point à l’histoire, chacun y allait de son petit couplet pour savoir si l’histoire était terminée ou non, France Delville, elle, avait plaidé pour le conflit comme fécond, lui aussi :

« Sans titre » (1992) de Roland Flexner dans le catalogue de l’exposition « Ecole de Nice. » à la Galerie Alexandre de la salle (1997)

L’Ecole de Nice, un point, et si ce n’était jamais tout ?!...

… Ce qui continue d’être beau, c’est que personne n’est d’accord avec personne. On pouvait craindre le consensus d’anciens combattants conjuguant leurs fantasmes pour radoter et dodeliner. Mais ils sont tous plus combatifs que jamais, convaincus, tendus, ne faisant pas plus de cadeau aujourd’hui qu’hier. Ils ont gardé leur mauvaise humeur d’ados, c’est un exploit car tout « milieu » édulcore, fait de la triche une seconde nature, avec le temps.
Mais si on a à cœur de ne pas avoir peur de la peur (ambiante dans tout milieu) on découvre vite qu’ils sont beaucoup plus humains que la moyenne, et plus que gentils, et tellement plus intelligents !

Œuvre de Pierre Pinoncelli dans le catalogue de l’exposition « Ecole de Nice… » (1977)

L’Histoire, bon juge dans l’après coup, ne les ramollira sans doute pas ceux qui, dans les Alpes-Maritimes si décriées, à partir des années 50, ont fait un bras d’honneur au Discours Dominant Mortifère, au pouvoir des images installées, pouvoir sourd et muet aussi d’ailleurs quoique bavard d’un monde qui ne les attendait pas, comme il n’attend jamais la jeunesse, il en a bien trop peur… eux sont arrivés en cassant la coquille, telle une troupe de furets avides de grand air, et puis chacun est allé flairer son coin de forêt. Ils sont partis en voyage et c’est normal, Ulysse n’est pas loin, la Méditerranée n’est pas grande, partis en vadrouille, tous ces enfants de la Fracture... Enfants qui, lorsqu’ils sont capables de mettre mots et formes sur leur histoire, donnent du poids à ce qui les précède. Cette histoire d’une histoire niçoise, il est peut être temps d’y prêter vraiment attention. Apprendre de l’histoire, c’est trouver chacun son fil dans l’embrouillamini des aigreurs, rumeurs, critiques.
Il faut apprendre des critiques, souvent elles désignent le trésor de chacun. Trésor pas accepté, pas compris, pas lu, mais qu’importe, c’est tellement banal, ne sommes nous pas fils du malentendu ? Au delà des belles paroles, l’autre reste l’autre. L’Ecole de Nice a réussi à rester un joyeux malentendu, et ce n’est pas donné à tout le monde. L’Histoire cherche des certitudes pour fonder son antisismique. Mais le culot de l’Ecole de Nice, même si elle n’est qu’un fantasme originaire, surtout si elle n’est que cela, lui a acquis une réputation qui sent le soufre. Généralement on ne fréquente ceux qui dépassent du cadre toléré, les Van Gogh, Artaud, Vaché, Lautréamont etc. que dans les musées et dans les livres, beaucoup plus tard, c’est tellement plus clean... Mais, à seconde vue, on peut vérifier l’insistance secrète, discrète, de tous les fils en travail de l’Ecole de Nice au cours des années... Réseau des démarches, amour d’une forme choisie, et qui développe son récit, au fil du temps. Dans le secret des ateliers, une vraie, une réelle et forte réflexion sur l’espace, le temps, le mot, le geste, la société. Pudeur d’un côté, et de l’autre insolence de la garce. Mais comme l’Histoire de l’Art aime les provocateurs, c’est par ce bout là qu’elle s’est laissée séduire avant d’être atteinte par le poids d’une correspondance sans fin, chargée de déclarations importantes pour l’époque... ? !... So, let’s wait.... (France Delville, extrait)

Pierre Pinoncelli au vernissage du Musée Rétif, juin 2010

Comment ne l’aimeriez vous pas cette « Ecole » et ses bruyants élèves ?!

Ma propre préface commençait par la phrase d’Yves Klein : « Je pense que l’Ecole de Nice est à l’origine de tout ce qui se passe depuis 10 ans en Europe » (Yves Klein 1960), et se poursuivait par :
L’Ecole de Nice ? Ce n’est pas une Ecole ? Ni un Mouvement ? Pardon doctes gens, parce que quand elle n’est pas une Ecole elle est un Mouvement, et quand elle n’est plus un Mouvement elle redevient ipso facto une Ecole ! En fait, on s’en doutait bien sûr, il se pourrait qu’elle fût un peu les deux ! Et à ceux qui ne savent pas l’apprécier, les esprits chagrins, ou absentés, elle le leur rend bien :
« Je suis le Mouvement de l’Ecole de Nice, sa liberté, sa dynamique. On me chasse d’ici, et me revoilà ici et là ! »
Inventive, créatrice, amusée et amusante, rien n’arrête sa course, pas même les réticences. Osons : il y a quand même ici un petit un gros ! quelque chose de plus qu’à St Omer, Glasgow, Bruxelles, ou Turin ! Et peut être même que dans la capitale de l’arrogance, Paris !

Personnage de Pierre Pinoncelli dans le catalogue de l’exposition « Ecole de Nice. » à la Galerie Alexandre de la Salle (1997)

Un ferment, une insolence, une santé, quelle santé, quelle longévité ! Et que de talents, il n’est plus besoin de le prouver. Quelque chose qui se situe au point de rencontre d’un gigantesque et humoresque bras d’honneur celui de l’honnête homme face au conservatisme universel et d’une vraie tendresse pour les Formes de la vie : je jouis donc je suis ! Et là où ça vous démange, j’arrive avec ma civière de ciel bleu, avec mes aromates et mes escargots, mon aliment blanc, un Klein d’œil sur la « Provence Noire », des brisures, cassures, coutures, oblitérations, et autres violences, mais chargées d’une tendresse surgie des confins bleus de la mer, pour panser les plaies de vos vieilles âmes fatiguées. Tous les enfants de la classe feront rang, sabre au clair, je veux dire pinceaux levés, sur vos têtes protégées...
Comment ne l’aimeriez vous pas cette « Ecole » et ses bruyants élèves ?!...
Bien sûr elle a ses pères (pairs) fondateurs, Arman, Klein, Raysse... Lettres de Noblesse ? Oui, c’est vrai, mais... NOBLESSE CONTINUÉE, par tous ceux qui prirent le relais, et que je dirai, un par un, tous inventifs, audacieux, talentueux, et porteurs des Hauts Cris, non du désespoir, mais d’un ardent plaisir à vivre. Alors vous commencez à voir s’affirmer les traits de cette horde ? Née d’un fantasme ? Mais depuis Freud on sait que le fantasme murmure et chante, et que, porteur de légendes, il peut conduire au Mythe, c’est à dire à la Civilisation.
Ils ont tué l’ancêtre, et les voilà ceints de la couronne, enthousiastes, sûrs d’eux mêmes, en un mot : vivants ! Prétendre les tuer serait aussi insensé que vouloir trucider l’Hydre, dont les têtes repoussaient.
Et c’est bien pourquoi j’ai jugé bon d’augmenter l’infanterie : pour que, le moment venu, elle puisse, toutes agressions, toutes trahisons repoussées, invaincue, repasser à l’attaque, à l’assaut de toutes les citadelles conservatrices, apeurées, et qui, dans le fond d’obscures caméras, mélancolent sur d’improbables ailleurs, sur des projets déjà obsolètes, ou plutôt sur leur noire absence.
D’emblée, pour moi, le choix de ces 28 artistes échappait donc aux notions duelles quantitatives qualitatives, pour ne s’inscrire que dans la seule optique possible, celle de la QUALITÉ.
Pour qu’elle puisse renaître de ses cendres, après les points d’interrogation 1967 d’exclamation 1977 de suspension 1987 je viens avec eux mettre le point final pour une grande Fête. Et après, ne pourrons nous dire : « Le Roi est mort, vive le roi !... »

Performas de Jean Mas, rapport pansémiotique à la politique

En 2007 ? D’ombres et de lumières, ils seront tous là 30 ou 50 cavaliers de l’Apocalypse la seule, la vraie, l’Heureuse pour l’hommage d’un nouveau millénaire à l’autre, l’ancien, le nôtre.
Ecole donc ou Mouvement ? Mais qu’importe ! Car vit et survit ici un Esprit, « L’Esprit de l’Ecole de Nice ». Et je vous en offre une belle lampée, car c’est l’élixir de jouvence, et, vous le verrez, mal¬gré la propension de ses corsaires à tout vouloir oblitérer, ils sont plus « bon enfant » qu’il n’y paraît. Mais que voulez vous, comme auraient pu le dire Spinoza et J.P.S., toute passion tend à proliférer dans son être !...
Alors, saluez, suivez, appréciez, jouissez, et que la fête commence pour ce qui fut une assez prodigieuse aventure !
P.S : Cette nuit, au plus profond de ma nuit bleue, je reçois un coup de sonde interstellaire, c’est Yves Klein qui me fait cette confidence : « De là haut, point de vue de Sirius ! il m’apparaît de plus en plus que le Nouveau Réalisme n’est qu’un appendice, que l’arrière garde perdue de l’Ecole de Nice. Si je redescends ici, j’en dirai deux mots à P.R., et s’il renâcle... je lui passerai un Ippon ! » Diable !...

Préface de France Delville dans le catalogue de l’exposition « Ecole de Nice. » à la Galerie Alexandre de la salle (1997)

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