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Eduardo ARROYO

Evénements liés à l'artiste

Eduardo Arroyo, la force du destin

Né en 1937 à Madrid, Eduardo Arroyo, méditerranéen par excellence est un peintre, graveur, lithographe, sculpteur et décorateur de théâtre, représentant majeur de la Figuration narrative et la Nouvelle figuration. C’est donc tout naturellement que l’Hôtel des Arts a fait le choix, sous le commissariat d’Oliva María Rubio, de présenter un pan significatif (...)

Fin : Janvier 2016 Voir l'événement

Eduardo Arroyo est né à Madrid le 26 février 1937, en pleine guerre civile. Après des études primaires et secondaires au Lycée français puis à l’Instituto de Nuestra Señora de la Almudena, il entre à l’École de journalisme.

Il se libère de ses obligations militaires en devançant l’appel dans le but d’abandonner au plus tôt l’atmosphère irrespirable de l’Espagne franquiste ; c’est ainsi qu’en 1958 il s’exile à Paris. Il y arrive avec l’intention de se consacrer au journalisme, mais très vite, il décide de peindre et de donner toute sa place à la force de l’image et à son intelligibilité immédiate.
Dès 1960 il participe au Salon de la jeune peinture, refuse les dogmes artistiques autant que l’arbitraire politique et devient l’un des principaux acteurs du mouvement baptisé « Figuration narrative » par le critique Gérald Gassiot-Talabot. Son travail, rythmé de périodes violemment corrosives ou provocatrices (sa première exposition à Madrid en 1963, à la galerie Biosca, avait été fermée et censurée parce que l’un des portraits de torero y figurant présentait une ressemblance suspecte avec le général Franco) et d’autres à l’humour âpre ou caustique, se fondera toujours sur l’alchimie du collage : « C’est précisément cet aspect sériel, fragmentaire, divisé, ces différences stylistiques, ces mélanges, toute cette incohérence qui constituent, finalement, la cohérence de mon travail », affirme-t-il. Son éclectisme délibéré le conduit à travailler tous les matériaux capables de traduire son univers ; il utilise aussi volontiers les diverses techniques de l’estampe, que la céramique, la sculpture ou le collage de matériaux variés, pour revenir à l’huile et à la toile avec une énergie renouvelée. Son langage pictural est construit sur une peinture littéraire et autobiographique, souvent articulée en séries où rivalisent auto-ironie, tragi-comique et art du pastiche.

Pour autant, il n’a jamais renoncé à l’écriture : il est l’auteur de la biographie Panama Al Brown, de la pièce de théâtre Bantam (qui sont autant de prolongements de son intérêt pour la boxe, manifeste dans sa peinture), du recueil de réflexions Sardines à l’huile, de l’ouvrage Dans des cimetières sans gloire - Goya, Benjamin, Byron-boxeur paru en français aux éditions Grasset.

En 1993, le musée des Beaux-Arts de Bilbao organise Grandeur nature où sont exposées exclusivement des toiles de grand format.

En 1995, Arroyo représente l’Espagne avec le sculpteur Andreu Alfaro à la 46e biennale de Venise. En 1997, le Musée olympique de Lausanne expose, en même temps que ses tableaux consacrés à la boxe, sa Suite Senefelder and Co en hommage à Aloys Senefelder ; cette suite est constituée de 102 estampes réalisées à partir de vieilles pierres lithographiques abandonnées dans plusieurs ateliers européens. Le Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía de Madrid organise en 1998 la première exposition rétrospective de son oeuvre en Espagne.

En 1999, la galerie Louis Carré & Cie présente pour la première fois le travail d’Eduardo Arroyo sous le titre Chapitres. À cette occasion sont montrés Le Martyre de Saint Sébastien et Le Jour que Richard Lindner est mort. En 2003, toujours à la galerie Louis Carré & Cie, deuxième exposition de l’artiste constituée de toiles peintes cette année-là tandis que commence l’exposition itinérante du cycle Art espagnol pour l’étranger qui montre son oeuvre en Hongrie, puis tout au long de l’année 2004 en Roumanie, en Russie et au Luxembourg.

En 2005, la galerie Louis Carré & Cie expose une sélection de dessins, fruit de quarante-cinq années de travail, qui met une fois de plus en évidence l’efficacité de son trait.

Cette même année, l’Institut Cervantes organise une exposition itinérante qui présentera jusqu’en 2006 dans quatre de ses centres européens, cinquante portraits d’écrivains réalisés avec différentes techniques.
L’IVAM de Valence expose, de février à avril 2008, les toiles de grand format et les sculptures, essentiellement de pierre et de fer, réalisées depuis dix ans. Par ailleurs, neuf de ses toiles des années soixante figurent dans l’exposition Figuration narrative, Paris 1960- 1972, Galeries nationales du Grand Palais, avant d’être exposées dans le même contexte à l’IVAM.

Pour Eduardo Arroyo, écriture et dessin font bon ménage et celui-ci accompagne volontiers les écrits pour lesquels il a de l’intérêt.

C’est ainsi qu’aux Oraisons funèbres d’André Malraux, aux ouvrages de Juan Goytisolo, ou à Ulysse de Joyce viendra s’ajouter La Bible en deux volumes avec ses 200 illustrations, publiée par Círculo de Lectores en 2004, puis par France Loisirs.

Depuis 1969, Arroyo poursuit son travail de scénographe, particulièrement avec Klaus Michael Grüber. L’année 2005 verra la reprise de l’oeuvre de Leos Janácek De la maison des morts, à l’Opéra-Bastille de Paris puis au Teatro Real de Madrid. Doktor Faust de Busoni a été donné à l’Opernhaus de Zürich, en 2006, tandis que cette même année, leur mise en scène de Boris Godounov de Moussorgski était créée au théâtre de la Monnaie à Bruxelles, puis donnée à Strasbourg, Mulhouse et Madrid l’année suivante.

Toujours en 2007, les toiles exposées à la galerie Louis Carré & Cie constituent, sous le titre Correspondances, un solide hommage à Fernand Léger.
En 2009, les éditions Taurus de Madrid et Círculo de Lectores de Barcelone, ont publié Minuta de un testamento, mémoires dans lesquelles les éléments autobiographiques se mêlent aux observations, commentaires et anecdotes parfois nostalgiques, souvent sarcastiques qui prennent pour cible les conventions et autres conformismes de nos sociétés contemporaines, sans épargner la bureaucratie culturelle omniprésente et étouffante à laquelle Arroyo réserve ses traits les plus acérés. La traduction française de ce testament littéraire aux allures de vagabondage autobiographique a été publiée en 2010 par les éditions Grasset sous le titre Minutes d’un testament.

Parallèlement à l’exposition Bazar Arroyo, qui a réuni livres illustrés, objets scénographiques, pièces éditées à faible tirage et oeuvres uniques, le Círculo de Bellas Artes de Madrid a produit un film en noir et blanc de 24 heures, Arroyo. Exposición individual, consistant en un long dialogue filmé entre l’artiste et Alberto Anaut, fondateur du festival de photographie PHotoEspaña. Il a été projeté dans l’une des salles du Cine Estudio à l’occasion du vernissage et dans certains musées espagnols. Le polyptique de la cathédrale Saint-Bavon de Gand, peint à l’huile par les frères Van Eyck dans la première moitié du XVe siècle, interroge Eduardo Arroyo si fortement qu’il entreprend d’interpréter le retable de L’Adoration de l’agneau mystique au crayon graphite sur des feuilles de papier dont les dimensions sont identiques à celles des dix panneaux de bois originaux. Cette transposition en noir et blanc réalisée entre 2008 et 2009, après avoir été exposée à Barcelone puis à Besançon au sein de l’exposition Charles Fourier. “L’Écart absolu”, est montrée de juillet à septembre 2012 au musée du Prado qui la présente dans une salle recréant l’atmosphère d’une chapelle et l’accompagne de La Fontaine de la grâce issue de l’école Van Eyck, comme un autre contrepoint contemporain du polyptique en l’occurrence.

Ce travail singulier a donné lieu à trois volumes : le catalogue de l’exposition de la pinacothèque madrilène (Eduardo Arroyo El Cordero Místico), et les versions française (Eduardo Arroyo. L’Agneau mystique) et espagnole (Eduardo Arroyo. Cordero místico) d’un ouvrage de la collection Entretien, coédité par Maeght éditeur et le Prado. Clovis Prévost a rencontré Eduardo Arroyo à trois reprises à Paris, Madrid et Barcelone, l’incitant à s’exprimer sur ce travail pendant son exécution ; il est l’auteur des photographies qui rythment l’opuscule. Avant cela, en 2011, la maison d’édition Elba avait publié Al pie del cañón. Una guía del Museo del Prado, dont les réflexions sont sans doute la source de la conférence donnée par Arroyo, début juillet 2012, quelques jours avant que soient présentés au Prado ses panneaux de L’Agneau mystique, dans le cadre du cycle intitulé Grand Tour de los museos. Il y fait l’analyse de sa relation aux musées en général, au Prado en particulier. Même s’il s’avère qu’il les ressent comme un « ciel protecteur », ces lieux, qu’il fuit et recherche à la fois, le conduisent à conseiller instamment d’aller voir les peintures où qu’elles se trouvent : par exemple dans les églises, comme la chapelle des Saints-Anges à Saint-Sulpice, pour regarder les fresques de Delacroix.
Il est clair qu’Eduardo Arroyo revendique son obsession pour le dessin, et la place qu’il lui donne nourrit autant sa peinture que l’ensemble de son travail sur papier.

C’est ainsi qu’il s’est approché de l’estampe numérique au Studio Bordas où il a réalisé en 2012 le deuxième volume du Dictionnaire impossible qui diffère du premier tant par sa technique que par son format ou le nombre de ses définitions.
Les volumineuses sculptures « tatouées » de céramique, commencées en 2010, seront présentées aux mois de février et juin 2013 à la Fondation Juan March à Palma de Majorque et au Museo de Arte Abstracto Español de Cuenca, en même temps que des portraits peints à l’huile et des collages photographiques issus de la longue confrontation d’Eduardo Arroyo avec ce médium. L’exposition s’intitulait : Eduardo Arroyo : Retratos y retratos. Dans le droit fil d’un intérêt jamais démenti pour le dessin, en novembre 2013, la galerie Álvaro Alcázar de Madrid présente une exposition anthologique de crayons de couleur sur papier.

Dans les salles de la galerie Louis Carré & Cie en septembre 2014 Arroyo déclare : « La parole est à la peinture. Avec une trentaine de tableaux peints au cours des deux années précédant cette neuvième exposition dans la galerie parisienne resurgissent le perpétuel va-et-vient entre Paris et Madrid, les souvenirs et les regards perdus ».
TEXTE DE Fabienne di Rocco

Photo de Une :

Autorretrato, 2011
Huile sur toile 81 x 65 cm
Courtesy Galerie Louis Carré & Cie, Paris © ADAGP, Paris 2015

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