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Chris Tiboise : Bidonville

Enfant lorsqu’ il façonnait des soldats de plomb, Christophe montait il une armée sans le savoir pour affronter sa future vie d’adulte ? En tous cas sa seconde rencontre avec la matière l’a conduit à tout laisser tomber à 30 ans pour apprendre un nouveau métier. Et c’est en autodidacte qu’il est parti à l’assaut de l’art contemporain, bille en tête. Car il est comme ça, Chris, fonceur mais pas téméraire, crâneur mais pas tête brulée ! Et des ambitions s’il en a, il veut les réussir à sa manière. Doux rêveur, utopiste ? Plutôt non, lucide tendance dure. D’ailleurs ses bidons exposés chez Guillaume Aral cachent mal derrière leurs jolis motifs quelques blessures.

Travis is Back

© Courtesy C. Tiboise

« Be / the more / Her » peut on lire en assemblant comme un cadavre exquis les mots peints sur chacun des fûts. Ce triptyque de bidons sur lesquels on peut s’assoir est un de ses derniers exercices d’exorcisme. Le Petit Prince y dialogue avec d’autres figures imposées aux moins de 18 ans, plus actuelles comme ces « ugly hit » vendus aujourd’hui à la chaine. Et les fillettes en mini jupe de décoller, de perdre la tête, de flotter comme le cerf volant qui a cassé son fil. Chris aime mêler dessins et mots « pour pointer les codes, morale, religion tout ce qui peut enfermer l’humain ». Le Pop art le fit mais les temps changent et son langage tient plus du SOS que de la revendication. Y a t-il péril en la demeure ? De « Virgin suicide » au massacre de Columbus (« Elephant ») : « ce travail est sur le thème du suicide, de l’auto-destruction, où comment l’enfance peut s’abimer en percutant le monde adulte » explique Chris qui se sert de ses bidons comme d’un écran. Un de ses premiers sujets invité sur le métal froid fut d’ailleurs un certain Travis « J’ai fait mon mémoire sur Martin Scorcese. Le personnage de Travis joué par De Niro dans « Taxi driver » est l’exemple type de psychopathes que l’on peut fabriquer au quotidien. Travis c’est n’importe qui, tout un chacun ». Le cinéma, Chris s’en nourrit très librement. Très librement car après avoir fait ses armes derrière la caméra comme assistant il a pris ses distances : « Je voulais sortir du système de respiration par procuration. Porter un projet personnel. À 30 ans j’ai décidé d’arrêter et de me lancer dans la sculpture »

© Courtesy C. Tiboise

Garageland

Depuis Christophe fait des tonneaux mais en sort toujours indemne, a t-on envie de dire tant cette sortie de route semble aujourd’hui lui réussir. « Les tonneaux c’est pratique, je les récupère dans les garages. J’en ai pris un, pour faire une table, puis le besoin de m’exprimer fut plus fort. J’ai décidé d’en faire un siège, je n’avais pas la technique mais j’ai trouvé quelqu’un pour m’aider. C’est pas mal, on m’a dit ! J’ai appris à souder et me suis lancé. Un copain me prête un atelier. J’en sors une vingtaine d’un coup. À la maison je passe comme un fantôme mais je sens que je suis sur la bonne voie. Je me rends compte que j’en ai besoin, c’est thérapeutique ». « Ma vie elle ne va pas assez vite/ Alors je l’accélère/ Je la redresse » chantait Daniel Darc, Christophe à sa façon négocia un nouveau virage. Sous un faux air à la Tarantino, mâchoire carré, front volontaire, il cultive comme le réalisateur un penchant pour le trash : « Je ne suis pas un rebelle, mais j’aime l’idée que je puisse déranger à travers mon travail un système en place. Et la récup c’est bien, tu peux aller dans plein de directions différentes. J’assemble, pour arriver à mes fins ». Ça tombe bien la société est elle aussi un work in progress. Un chantier qui laisse pas mal de gens sur le bas coté. Son « Home less home » contamine ainsi le « home sweet home » du rêve américain : « un sans abri à la maison, c’est un coup de gueule. Quand j’ai fait ce bureau sur le thème des SDF, il y avait ces tentes sur le Canal Saint martin.

© Courtesy C. Tiboise

J’ai trouvé intéressant de pouvoir faire rentrer un œuvre au noir dans une maison claire. En fait j’aime l’idée du loup dans la bergerie ». Ainsi transformera t-il le parking de Mamadou Baya Yoko, une star de l’OGC Nice : « je l’ai rencontré par hasard. Et il accepté que je transforme son garage à Fabron avec une installation ». Un bureau sur des fûts « Home less home », un PC, un caddie et l’installation éphémère voyait le jour. Et s’il se défend de toutes postures militantes, Chris avoue être en colère « contre la désinformation, les discours éhontés, l’abus de certains pouvoirs ». Ainsi armés de ses bidons l’artiste vidange à tour de bras ! « Up and down » c’est une parabole des dérives de la finance : « Une petite metropolis soumise à l’indice Bull & Bear avec ses tours empilables comme un jeu de massacre où l’on peut voir en ombre chinoise aux fenêtres les bulls, les bears et parfois un crocodile qui surfe sur la vague ». Avec « Dont believe the hipe » il tord le cou à une tendance du marché qui conduit certains créateurs à confondre produits de consommations courantes et œuvres d’art. « Pour être belle » c’est la presse people, la presse poubelle. Et l’électron libre de délivrer son message pas toujours où on l’attend. Après un passage à Opera Gallery, il investira l’atelier-galerie-logis parisien de Laurent Godard, le créateur de « Flatteurville » qui a investi la piscine Molitor pour y créer des expositions.
Après une première série de bidons en noir et blanc, Chris est passé à la couleur depuis 2008 : « J’arrive à créer quelque chose de coloré qui reste très sombre. J’aime faire quelque chose de confortable sur des sujets qui ne le sont pas. La contrainte devient alors un atout ». En surfant ainsi sur la mode du design, de l’objet culte, de la customisation, Chris Tiboise semble avoir trouvé la bonne veine : plus « let it bleed » que « let it be » mais toujours avec une bonne dose de sang froid !

© Courtesy C. Tiboise

© Courtesy C. Tiboise

Travis Bickle, le personnage principal de Taxi Driver de Martin Scorsese et palme d’or 1976 était de retour sur la Croisette 34 ans après a travers l’œuvre "Travis is back" produite en 2008 par l’artiste Chris Tiboise ! C’est avec la complicité de Jean Bernard a l’origine du salon d’Art Affair Cannes édition 2010 que cela a été possible. Suite a leur
rencontre sur le salon art Monaco 2010, Jean Bernard accepte que Chris Tiboise rejoigne les exposants du salon qui aura lieu tous les ans pendant la période du festival international du film. Faire revivre le personnage mythique joué par Robert De Niro dans l’ambiance de ce lieu d’exposition mêlant des artistes tels que Warhol, Ben et beaucoup d’autres est apparu comme une évidence à ces
deux passionnés d’art contemporain.

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