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Bruno Mendonça : L’infini commence ici !

Premières performances

(c) h.lagarde

« Je suis né à Saint Omer. Ma mère est niçoise, je suis arrivé à Nice à 7 ans. 7 ans de plus en mai 68 j’assistais aux manifs à la fac de lettres. À 15 ans je faisais du théâtre en Irlande, dévorais Jung et Freud. J’ai appris à doubler mon potentiel très tôt ! ». La première pierre de cet édifice qui donne le vertige après 37 ans d’activités il avoue l’avoir posée à menton : « Je jouais de la basse et écrivais des textes dans un groupe de rock « « Nuthach system » (casse noisette).
Après un accident de moto, j’ai vendu tout mon matériel pour acheter de la peinture ; un an après je faisais ma première expo ». Et la performance, celui qui en a réalisé 40 sur la Côte - « À égalité avec Ben » - il s’y initiera dès 1974 en immergeant des toiles au fond du lac de Saint Auban. Des toiles exposées ensuite à l’Art marginal. En 1977 encore à Saint-Jeannet, Bruno travaille en aveugle pendant 76 heures au fond d’une grotte où il produira 15 toiles et 12 dessins. En Chine il sautera de plaques en plaques tectoniques avec dix mètres de vide en dessous : « Pas pour le danger, mais toujours pour pousser l’art contemporain dans des espaces vierges ! »

À livres ouverts !

Car l’artiste est avide de nouveaux territoires et ne tient pas en place : « Voyager me permet de confronter les différentes pratiques. C’est aussi lié à ma formation à Science po. J’ai eu envie de faire de l’art comme Claude Levi-Strauss fit de l’ethnologie ». En travaillant en terrains inconnus, l’imprévu dévoile les limites mais ouvre aussi des perspectives dont se nourrit ce bâtisseur d’aléatoire. « En fait j’ai voyagé dès l’âge de 1 an en avion puis en Enfant non accompagné pour les compétitions de judo et d’échec. Je draguais les hôtesses qui me donnaient des jouets et livres ». Est-ce cet émois ou celui qu’il éprouve en découvrant la bibliothèque de son grand-père riche d’ouvrages étrangers qui le poussera adulte à créer sa maison d’édition en 1981 puis des bibliothèques éphémères dont certaines présentées au CIAC de Carros en 2002 virent le jour tel "l’igloo de Dictionnaires" : « 5000 dictionnaires récupérés pour monter une coupole qui symbolise ces parties du monde que l’on méconnaît parce que nous n’avons pas accès à leurs cultures ». L’artiste amoureux des livres réalisera par ailleurs des livres avec des objets du quotidien. Un ready made célébrant par la métamorphose, le livre, une matière, sensible, vivante qu’il traite comme un élément organique. Il explorera également Langages et signes inventant 60 alphabets, usant des palindromes et autres jeux de mots à toutes fins utiles. « Je me sens très proche de l’Oulipo et du travail de George Perec. Je me définis comme écriteur, un fabricant de textes, de mots ».

L’exposition « les métamorphoses de l’écriture » qui a eu lieu à Contes présente sur ce thème d’étonnants livres d’artistes réalisés de 1984 à1987, un jeu de tarot sur la mémoire de Spada, un « Cortext » avec Yves Hayat etc. Elle donnera lieu aussi à une performance musicale, car Bruno travailla aussi comme luthier à la fabrication d’instruments. Un outil pour un autre langage universel.

Mendonça : « La colle de Nice ? »

Mendonça créa aussi un alphabet sur des yourtes car le nomadisme pour cet intégriste de Bachelard fut un acte fondateur : « J’ai vécu dans des conditions extrêmes, sous la neige, à l’état sauvage dans mon atelier à Lucéram. J’aurais pu me payer l’hôtel mais je voulais vivre le collectif. L’artiste qui ne fait pas ça, ne partage que son ego, un fruit vert ».
À l’époque si Bruno soulève des pierres c’est pour voir s’il y a un lièvre dessous.

(c) h.Lagarde

Quant aux échecs c’est autre histoire tout aussi cruciale « Je fais de la compétition depuis l’âge de 8 ans. Les échecs m’ont appris à construire rapidement, à globaliser, à aborder de front plusieurs activités ». Un jeu qu’il intégra à ses performances. Ainsi en 2000 en Pologne il affronte 40 joueurs simultanément après être arrivé sur les lieux enfouis dans le sable d’une pelleteuse. Son propre déplacement sur l’échiquier créatif comme sur celui universel ne procède-t-il pas de la diagonale du fou ? Mais que veut mettre échec et mat ce champion de la performance qui a battu le lettriste Isidore Isou, à son propre jeu « l’hyper échec avec deux pièces supplémentaires ».

De quelle tribu fait donc parti Bruno Mendonça ? « Je pourrais être relié à plusieurs mouvements mais n’appartient à aucun, même si Alexandre de la Salle m’intégra à l’École de Nice, des artistes que je pratique depuis 30 ans. Mais le label s’use, il faut aller puiser l’énergie ailleurs. C’est aussi pour cela que je me déplace et pratique autant de disciplines de front » .
Car des projets, Bruno en a toujours plusieurs sur le feu : un squash bibliothèque pour lequel il doit trouver des financements. Un projet de synthèse des arts autour du jeu d’échec pour un Musée suisse. À Tanger, une bibliothèque observatoire pour le biotope au cœur d’un ancien volcan etc. « Je suis toujours en train d’entrouvrir de nouvelles pistes en veillant à tenir à distance la technologie qui est train de supplanter le sacré », explique celui dont la seule religion semble être celle de l’énergie vitale !

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